Publié le 10 octobre 2023 Mis à jour le 16 novembre 2023
du 6 octobre 2023
au 9 juin 2024

Aldo Borlenghi, maître de conférences en archéologie et histoire de l'art du monde romain et chercheur au laboratoire Archéologie et Archéométrie (ArAr), a apporté son expertise pour la conception de l'exposition "Les aventures de Brickius Maximus", visible à Lugdunum – Musée et théâtres romains du 6 octobre 2023 au 9 juin 2024.

Ludique et pédagogique, cette exposition nous invite à suivre les aventures de Brickius Maximus, agent secret détaché auprès du gouverneur de Bretagne, qui doit se rendre sur le mur d’Hadrien pour porter une missive de la plus haute importance. Pour s'adresser à un large public, jeune et familial, l’exposition fait dialoguer des oeuvres antiques et des reconstitutions minutieuses en briques LEGO®. Lugdunum – Musée et théâtres romains accueille en effet la Familia Brickia, passionnée de LEGO®, avec Kathy Sas, docteure en archéologie romaine et Tom de Bruycker, philologue, ainsi que leur fils Andreas de Bruycker. Depuis plus de 10 ans, cette famille conçoit chez elle, en Flandre, des édifices romains en LEGO® avec un grand souci d’exactitude historique.
 

Une reconstitution aussi ludique que rigoureuse

Le récit d'aventure et d'espionnage se situant en 196 après J.- C., le musée a constitué dès le début du projet un comité scientifique réunissant plusieurs spécialistes, dont Aldo Borlenghi. Le musée a commandé quatre reconstitutions d’édifices du territoire lyonnais à la Familia Brickia : le sanctuaire et l'amphithéâtre des Trois Gaules, l'aqueduc du Gier à Chaponost (départ du siphon de la vallée de l'Yzeron), la "Maison au char" et la caserne de la garnison de Lugdunum. Emblématiques, ils symbolisent la puissance de la capitale des Gaules, épicentre politique, économique et religieux.
 
Maître de conférences en archéologie et histoire de l'art du monde romain à l’Université Lumière Lyon 2, Aldo Borlenghi est membre du laboratoire Archéologie et Archéométrie (ArAr). Ayant à cœur le partage des savoirs, il codirige le chantier-école du sanctuaire dédié à la déesse Vacuna en Italie et mène des recherches ancrées dans le territoire sur les aqueducs lyonnais et le sanctuaire des Trois Gaules. Compte tenu de son expertise en architecture et urbanisme à l’époque républicaine et impériale (Rome, Italie, Gaule romaine, Grèce), il a endossé le rôle de consultant pour la reproduction de l'aqueduc du Giers et du sanctuaire des Trois Gaules.

Allier science, arts et jeu, un véritable défi !

Aldo Borlenghi ayant accompagné le projet en tant que membre du conseil scientifique de l'exposition a expliqué à l'équipe de Lugdunum – Musée et théâtres romains comment s'est déroulé le travail de concert pour la conception des maquettes de l'aqueduc du Gier et du sanctuaire des Trois Gaules. Extrait de l'entretien réalisé pour le dossier pédagogique.
 
Quelle est la particularité des deux maquettes sur lesquelles vous avez collaboré ?
A. B. : « Ce sont deux monuments importants de la colonie de Lugdunum. L'aqueduc du Gier est bien connu : il est encore visible dans le paysage de Lyon. c'est l'un des quatre grands aqueducs qui alimentaient la ville, car il faut bien comprendre que l'eau était prélevée loin de Lyon, puis acheminée à travers un long parcours. Cet aqueduc particulièrement impressionnant captait l'eau dans la rivière du Gier, à 42 kilomètres de Lyon, et mesurait 86 kilomètres de long. C'est l'un des dix aqueducs les plus longs de l'Empire romain ! S'il nous en reste surtout des vestiges aériens, il faut savoir qu'ils ne représentent que 10% du tracé total, qui était en réalité principalement souterrain. Nous avons choisi de représenter plus particulièrement le départ du siphon de la vallée de l'Yzeron. [...]
Pour ce qui est du sanctuaire des trois Gaules, il n'y a pas de vestiges existants à part ceux de l'amphithéâtre qui en était une composante, mais on sait grâce à des inscriptions, des sources littéraires et une monnaie frappée à Lugdunum qu'il y avait dès le temps d'Auguste un autel sur les pentes de la Croix-Rousse. »
Comment réaliser une maquette lorsqu'on manque de sources archéologiques ?
A. B. : « C'est un travail difficile ! Pour reconstituer un bâtiment antique en 3D, il faut suffisamment de sources archéologiques qui nous donnent les informations nécessaires. On a essayé de reconstituer le sanctuaire à partir des vestiges que l'on connaît : les ruines de l'amphithéâtre, quelques autres vestiges qui attestent de la présence de deux grandes terrasses sur les pentes de la Croix-Rousse, et des bases de statues avec des inscriptions qui mentionnent parfois la présence d'un temple, probablement sur l'une de ces terrasses. Il a toutefois fallu imaginer comment certains monuments étaient agencés à l'intérieur du sanctuaire, en particulier l'autel de Rome et d'Auguste. Pour autant, il ne faut pas croire que c'est de l'invention !
Nous avons procédé par comparaison avec les sanctuaires dédiés au culte impérial d'autres capitales provinciales, parce que du point de vue architectural, les différents temples impériaux avaient des caractéristiques communes. Notre choix s'est finalement porté sur le sanctuaire de Tarragone en Espagne, qui était lui aussi construit une une pente. Pour le temple, on s'est inspiré du temple de Cordoue, qui a une taille et des caractéristiques qui correspondent aux dimensions de la terrasse supposée du sanctuaire de Lugdunum. À partir de ces éléments, on a donc pu proposer une reconstitution vraisemblable et compréhensible par le public
Mais attention, cette maquette n'est pas une vérité figée, elle représente plutôt une étape dans la connaissance, dans un travail scientifique en cours. Si on refait ce travail dans 10 ans, cette reconstitution ne sera peut-être pas la même ; de nouvelles recherches ou des fouilles archéologiques pourraient faire évoluer nos connaissances ! »
Est-ce que le public a été un élément à prendre en compte dans votre travail ? On est ici dans le cas d'une exposition qui s'adresse à des publics peu familiers de l'archéologie, et surtout assez jeunes.
A. B. : « C'était à mon sens l'aspect le plus intéressant de toute cette démarche. Lorsqu'on fait de l'archéologie, l'enjeu n'est pas seulement de travailler pour la communauté scientifique, mais aussi pour le grand public. La vulgarisation est un élément essentiel et indispensable du travail de chaque chercheur.
Lorsqu'on arrive à expliquer à un public non spécialiste des savoirs complexes, on a fait un travail important. Dans cette optique, les LEGO® constituent un moyen privilégié pour que les gens s'approchent de l'archéologie et du patrimoine. J'aimais moi-même beaucoup les LEGO® dans ma jeunesse ! Ça parle aux enfants, et ça crée une sensibilité à l'archéologie et au patrimoine. Il y a deux façons de voir l'archéologie : ça peut être quelque chose qui permet de connaître le passé, mais pour d'autres ça limite le progrès (les fouilles peuvent retarder la construction de voies et de bâtiments par exemple). Pour moi, l'archéologie permet d'apprécier et de mettre en valeur notre patrimoine, c'est ce qui nous reste du passé. C'est pur ça que l'archéologue, à partir des indices qu'il trouve, doit faire un effort de reconstituer, et c'est aussi pour ça que les expositions qui utilisent des outils variés et originaux pour présenter un socle scientifique important sont très intéressantes : elles permettent d'élargir les connaissances de chacun, et pas seulement des grands. »
Vidéo : Making of de l’exposition Les aventures Brickius Maximus – L’expo en briques LEGO®
Réalisation : Audacioza
Texte : source et crédits Lugdunum – Musée et théâtres romains

Informations pratiques

Partenaires

Lugdunum
Construite autour d’un récit haletant, Les aventures de Brickius Maximus - L'expo en briques LEGO® de la rentrée vous embarque dans les aventures d’un légionnaire romain à la fin du 2e siècle apr. J.-C. Une scénographie ludique qui fera dialoguer des reconstitutions en briques Lego® et des collections antiques. Vous y trouverez des clés de compréhension sur la vie quotidienne des Romains et sur les aspects structurels de l’Empire que sont l’armée, la cité, le bâti ou encore l’important réseau de voies de communication.
Du 6 octobre 2023 au 9 juin 2024 à Lugdunum - Musée et théâtres romains 17 rue Cléberg 69005 LYON