Publié le 31 mai 2022 Mis à jour le 2 juin 2022
le 31 mai 2022

Le 24 mai 2022, l’Université de Mons et l’Agence Universitaire Francophone (AUF) ont annoncé attribuer le prix Louis D'Hainault à Jean Christophe (Tony) Tshimpaka Bodumbu, pour sa thèse de doctorat en sciences de l'éducation soutenue en juillet 2021. Cette récompense distingue la meilleure thèse scientifique en technologie éducative, soutenue par un.e docteur.e francophone (hors Europe de l’Ouest et Amérique du Nord) il y a moins de 3 ans.

Lors de sa délibération, le jury a été sensible à la qualité du travail réalisé par Tony Tshimpaka, en particulier en ce qui concerne la cohérence d’ensemble de sa recherche et la rigueur de la méthodologie mise en oeuvre, ainsi qu’à l’intérêt des résultats pour la recherche sur l’appropriation des artefacts numériques en contexte africain.

Retour sur le parcours atypique de notre ancien doctorant...

 
Présentation
en quelques mots

T. T. : Je m'appelle Jean Christophe (Tony) Tshimpaka Bodumbu et je suis né à Mbandaka, en République Démocratique du Congo (RDC). Dans cette ville où la population vit essentiellement de la pêche artisanale et de la chasse au petit gibier, beaucoup de familles ont des difficultés à se nourrir ne serait-ce qu’une fois par jour. Nombreux enfants souhaitant être scolarisés n’y parviennent pas en raison de l’insuffisance et de la carence en écoles.
Religieux-prêtre de la congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus, fondée en 1854 à Issoudun (France), j’ai été représentant de l’employeur (congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur) et enseignant d’anglais au Complexe Scolaire Notre Dame du Sacré-Cœur à Kinshasa (RDC). Mon cursus académique se résume en ces termes : licence en philosophie à Kinshasa (RDC) et en Sciences de l’éducation au Centre Universitaire Catholique (CUCDB) à Dijon, maîtrise en théologie à Yaoundé (Cameroun), master en métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (spécialité ingénierie de formation des enseignants) au Centre Universitaire Catholique de Dijon (CUCDB) à Dijon et docteur en sciences de l’éducation et de la formation de l’Université Lumière Lyon 2.

Résumé
de la thèse

Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation, sous la direction de Stéphane Simonian (laboratoire ECP), dans le cadre de l'École doctorale EPIC (Éducation, psychologie, information et communication)

T. T. : Ma thèse portait sur l’appropriation des artefacts numériques, ceci en prenant en compte les conditions environnementales. Elle s’intitulait de la manière suivante : « Approche énactive de l’appropriation des artefacts numériques. Le cas des enseignants du secondaire à Kinshasa (RDC) ». En RDC, les besoins à satisfaire sont si nombreux et les moyens disponibles si réduits qu’il faut se demander si l’appropriation des artefacts numériques est un véritable enjeu pour les enseignants. Sauf que ces artefacts appropriés jouent un rôle déterminant pour l’enseignant  : amélioration de l’enseignement, valorisation de l’image sociale et de son métier, changement de l’environnement socioprofessionnel, par exemple.
Cette thèse a traité de l’articulation entre les conditions caractérisant un environnement extérieur à l’enseignant (infrastructure numérique, par exemple) et le processus d’appropriation de cet environnement, à partir des artefacts numériques considérés comme des médiateurs entre le sujet et son environnement. Cette articulation se traduisant en termes d’énaction considère que le rapport qu’entretient un sujet avec un artefact dépend de son rapport à l’environnement. De ce point de vue, l’appropriation serait la manière dont ce sujet incorpore son environnement et perçoit des raisons d’agir, jusqu’à transformer cet environnement et donc, son rapport à l’artefact numérique. Ce qui explique ce positionnement scientifique est le rôle que tient l’environnement dans le processus d’appropriation. Cet environnement rassemble des personnes, des artefacts, des règles (formelles ou informelles), des us et coutumes, des cultures, des pratiques. Ainsi, dans le contexte des enseignants du secondaire en RDC, le couplage appropriations-conditions environnementales ne s’explique pas par une relation de causalité, mais d’interdépendance. De ce point de vue, notre étude a soutenu la thèse d’une « co-influence récursive » entre l’appropriation des artefacts numériques (couplage structurel) et les conditions environnementales (environnement énacté) : l’environnement crée des conditions favorisant l’appropriation ; mais, en retour, cette appropriation transforme certaines conditions environnementales.

Projets personnels
et professionnels

T. T. : L'un des nombreux défis que doit relever la République Démocratique du Congo dans le secteur éducatif est la formation des enseignants. Mon projet professionnel postdoctoral est de retourner en RDC pour travailler à la formation initiale ou continue des enseignants. Par ailleurs, pendant mon séjour en France, j’ai initié la construction d'une école à Mbandaka (là où je suis né) afin que les enfants bénéficient d’une éducation de base solide. Dans cette ville, des jeunes non-scolarisés et livrés à eux-mêmes constituent des groupes de bandits s'attaquant aux personnes rencontrées. En février 2020, mon propre père âgé de 62 ans a été assassiné par l'une des ces bandes. Avec le recul, j’ai compris qu'aussi bien ces jeunes que les personnes attaquées sont victimes de la situation du pays. Toutes sont victimes de l'instabilité sociopolitique, mais surtout du fait que l’État n’accorde pas ou très peu de moyens pour garantir la vie de ses citoyens. Je crains que la non-scolarisation des enfants engendre un cercle vicieux : non-scolarisation - banditisme - menace de la population et qu'il soit difficile à briser si l’on n’agit pas maintenant.
Ainsi, dès mon retour en République Démocratique du Congo, deux activités professionnelles m’attendent : la formation des enseignants dans les institutions pédagogiques et l’organisation du fonctionnement de cette école. Estimant que l’éducation-formation commence dès le jeune âge, je souhaite à m'impliquer dans un projet concret. Je compte m'appuyer sur mon travail de thèse, socle d'un projet humaniste et politique du développement de l’être humain pour lui offrir l’accès aux savoirs mais aussi la possibilité de se les approprier.

Informations pratiques

Partenaires

Prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse en technologie éducative
L’Université de Mons (Belgique) et l’AUF, à travers son Institut de la Francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance (IFIC), s’associent pour décerner le Prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse de doctorat en technologie éducative. Il est réservé à un docteur ressortissant d’un pays du Sud* dont la thèse a été soutenue il y a trois ans au plus.
Le Prix a une vocation internationale et est ouvert à tout chercheur du Sud ayant obtenu une thèse de doctorat au sein d’une institution membre du réseau de l’AUF (du Nord comme du Sud). Le sujet de cette thèse doit impérativement porter sur l’usage des technologies en éducation, indépendamment de la discipline d’appartenance, et doit constituer un apport à l’évolution des connaissances scientifiques dans le domaine.
En 2022, il s'agit de la 9e édition. → En savoir plus
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