Dans le cadre du cours intitulé Pratiques d’écriture, en 2e année de licence Lettres appliquées, les étudiant.es se sont exercé.es à plusieurs types d’écriture : écriture d’un article journalistique, rédaction d’un fait divers, critique cinématographique, dictionnaire humoristique, rédaction d’une synthèse, écriture inventive etc. Suite au confinement, l'évaluation a été adaptée en leur proposant de s'exprimer sur la situation actuelle...
Après notre dernier cours du 9 mars 2020 sur le campus, je continuais à communiquer régulièrement avec les étudiant.es par courriel et au fur et à mesure des semaines je ressentais un malaise chez certain.es, indécis.es entre l’envie de crier et celle de se résigner. Alors que j’avais préparé un sujet pour l’évaluation finale, j’ai commencé à penser à un sujet qui leur donnerait l’occasion d’exprimer leurs ressentis face à la situation inédite du confinement. Plusieurs craintes émanaient de ma réflexion :
- le sujet ne serait-il pas trop douloureux pour certain.es ;
- le risque qu’il n’y ait pas assez de distanciation entre le sujet et ce que vivent encore les étudiant.es au quotidien ;
- la difficulté d’évaluer des productions très personnelles.
Les étudiant.es devaient rédiger leur devoir en deux heures. Ils ont livré des textes poignants de sincérité sur une situation complexe face à laquelle nous sommes inégaux/ales. Je les remercie de m’avoir accordé leur confiance en acceptant de partager des textes intimes qui resteront longtemps comme des témoignages d’une ère révélatrice de nos forces et de nos vulnérabilités.
Chacun.e a préféré conserver l'anonymat. Nous vous invitons à découvrir leurs textes, téléchargeables en format pdf, en cliquant sur chaque titre.
- Cloîtrée - Récit d'Alexia« Non mais mec, je m’en fous. Ce soir on sort quand même, j’en ai besoin. » C’est ainsi que des rumeurs ont commencé, c’est ainsi que je m’en foutais. J’étais là, dans mon monde, tequila, gin, ou vodka. Je crois que je titubais, je crois que je hurlais. C’était surréaliste mais j’aimais ça. L’Abreuvoir a fermé à minuit ce soir-là. J’allais chez Erwan continuer la soirée, je m’en foutais. [lire la suite...]
- L'esprit de contradiction - Récit de R. L.Aujourd’hui, la liberté est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un sms du gouvernement : « Liberté décédée. Confinement demain. Toussez dans votre coude. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
Refoulée dans le même logis que mes parents, je pouvais compter sur les liens que j’avais tissés avec mes amis afin de ne pas les abandonner, jamais. Nous pouvions nous appeler à n’importe quel moment, nous échangions nos « journaux de rêves » au réveil, et nous inventions une fiction à une dizaine de mains, avec une cohésion qui nous était propre. Une bande soudée, en somme, que je remercie encore aujourd’hui de ne pas m’avoir laissé tomber… J’avais la chance de ne pas être seule, et je ne comptais pas la gaspiller, même si le confinement ne changeait pas réellement de mes habitudes. [lire la suite...] - Récit d'HadrienLe dossier du mois est consacré à la pandémie du Covid-19 qui souffle macabrement ses 10 bougies cette année. Le Nouveau monde a ouvert ses pages à l’auteur Hadrien BOIS-GROSSIANT, mondialement connu dès le début des années 2020 pour son roman d’apprentissage « Itinéraire d’un bon à rien moralisateur ». Le Pape du gonzo trash a reçu en 2025 le prix Goncourt pour son étude sur la « décadence de la jeunesse j’menfoutiste ».
« - J’ai commencé à écrire ces quelques lignes dès le début de la pandémie, mais ces bribes n’auraient jamais été mises en forme sans le besoin d’un devoir universitaire sur le sujet, devoir qui m’a valu la note maximale » s’amuse l’auteur dans nos bureaux. [télécharger le récit] - Récit de A. C.Avant le confinement, je pensais être une personne casanière, une personne qui n’avait pas besoin de voir du monde ni de sortir pour se sentir bien. En effet, je ne sortais que très rarement, j’adorai ma solitude. Une façon de penser qui est inexacte maintenant. Ce côté de ma personne s’est évanoui sous l’assaut de mon esprit de contradiction qui s’est révélé à l’annonce du confinement. J’ai envie de sortir, envie de voir mes ami(e)s. Cet enfermement forcé m’a en quelque sorte guérie de mon côté solitaire. [télécharger le récit]
- Récit de C. S.Nous aurions pu l’anticiper, nous aurions dû l’anticiper. Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron, chef de l’état durant cette période, nous annonçait « la pire crise sanitaire qu’ait connue la France depuis un siècle ». Le virus du COVID-19 venait de traverser le continent. Après ses ravages en Chine, il s’attaquait à présent à l’Europe. Nous savions qu’il finirait par arriver mais notre naïveté nous poussait à croire que les frontières françaises pouvaient l’en dissuader. À l’annonce du confinement total, ce dimanche soir, l’angoisse s’est emparée de tout mon être. Je me souviens m’être effondrée sur le canapé. Je résidais avec mon copain de l’époque et je savais qu’un choix difficile s’imposait à moi. [télécharger le récit]
- Épidémie, inidividualisme, psychose... et puis quoi encore ? - Récit de D. Z.Lorsque j’ai appris la nouvelle de cette épidémie, je n’aurais jamais cru que cela allait atteindre le stade mondial, que cela contaminerait toutes les villes et les campagnes, que le nombre de morts ne cesserait de croître… Au début, je n’étais pas plus inquiète que cela car nous étions tous mal informés de la situation donc tous dans l’impossibilité de se préparer suffisamment. Mais au fur et à mesure des dispositions prises par l’état (confinement, plus de contact, école et travail à distance) et des conséquences dans les autres pays, notamment en Chine, le premier pays touché (mortalité en hausse, les hôpitaux saturés, les confinements…), un doute s’immisce : et si ce n’était pas une simple grippe ? [lire la suite...]
- Récit de L. G.9h. Je ne sais plus quel jour on est. Les rayons du soleil me réveillent. Voilà six mois que mes volets sont cassés. Environ, un mois que le soleil m’aide à émerger de mes nuits courtes et mouvementées. Au départ, j’appréciais sentir le soleil caresser ma joue. Aujourd’hui je me détourne de lui pour continuer ma nuit. Au départ, j’étais attentive à ses petits plaisirs qui nous poussaient à dire que ça pouvait être pire. Mais, aujourd’hui, je n’arrive plus à m’endormir. Assaillit de mails, je joue la sourd oreille, il y’a bien longtemps que les nouvelles ne sont plus bonnes. Bonnes à jeter, comme ces corps que l’on balance et entasse dans ces fosses communes à Hart Islande. [télécharger le récit]
- Récit de L. M.Mon entourage et moi avons commencé à en entendre parler au début du mois de février. C’était encore très flou. Les réseaux sociaux et les infos du soir commençaient tout juste à en parler. À l’époque, ce n’était qu’une menace lointaine. Un sujet de conversation faisant vivre mon amitié avec les quelques ami.e.s que je me suis faites à l’université. Mais au bout de quelques jours ou semaines, je ne me souviens plus précisément, l’inquiétude est montée d’un cran. L’info était sur toutes les lèvres. La Chine annonçait son confinement total. La nouvelle avait beau être alarmante, je restais toutefois insouciante, espérant vainement que d’ici quelques semaines le virus disparaitrait. Après tout, le printemps arrivait à grand pas et la sensation de déjà y être me rassérénait. Le soleil et la chaleur permettaient cette insouciance. Cependant, malgré cela, je commençais à faire un peu plus attention. [télécharger le récit]