Laure Sizaire a reçu son prix lors d'une cérémonie le mercredi 1er février 2023 à Maison des Sciences de l'Homme Paris Nord, remis par Catherine Vidal, neurobiologiste, Directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur de Paris.
Après Elsa Boulet co-lauréate du prix de thèse 2021, Laure Sizaire se distingue et se voit attribuer l'un des deux prix de l'édition 2022 avec sa thèse en sociologie « Des romances au-delà des frontières. La globalisation genrée du marché matrimonial : échanges intimes, expériences migratoires et réflexivités sur le genre dans les conjugalités franco-postsoviétiques (1990-2015) ».
« L’obtention du prix de thèse de l’Institut du genre est une immense reconnaissance car j’ai effectivement placé le genre au cœur de mon travail, en ne le considérant jamais comme une simple variable mais bien comme un concept analytique central [...]. »
À l'occasion de la cérémonie des prix de thèse de l'Institut du genre, Laure Sizaire retrace sur son parcours et évoque ses projets.
- Son parcours
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L. S. : « J’ai d’abord suivi des études de lettres modernes pour ensuite me réorienter vers une discipline avec laquelle j’avais de réelles affinités, l’anthropologie. Je réalisais alors des films documentaires et l’ethnographie m’apparaissait comme une méthode idéale pour produire des contenus sur le monde qui nous entoure. De là, c’est le virus de la recherche qui m’a happée et qui m’a détournée, momentanément, de l’écriture cinématographique. Après un premier terrain en Sibérie où j’ai enquêté auprès d’agences matrimoniales internationales, j’ai rejoint la discipline sociologique en master 2 sous la direction de Jean-Hugues Déchaux, lequel est ensuite devenu mon directeur de thèse. J’ai pu m’engager dans cette aventure grâce à l’obtention d’un contrat doctoral de trois ans à l’Université Lumière Lyon 2, années durant lesquelles j’ai commencé à me former à l’enseignement et à la recherche. Je suis ensuite partie enseigner la sociologie pendant deux ans en Russie, au Collège Universitaire de Français de Moscou. À mon retour, j’ai obtenu un poste d’ATER dans le master genre de l’université Lyon 2, une expérience d’enseignement fabuleuse qui a largement enrichi ma thèse et sans aucun doute participé à mon obtention du prix de thèse de l’Institut du Genre. Je suis désormais rattachée à l’Institut Convergences Migrations, un institut de recherche très dynamique et stimulant où j’organise des séminaires et je coordonne des groupes de recherche. Je continue également mes activités scientifiques au sein de mon laboratoire d’origine, le Centre Max Weber, notamment avec mon équipe « Dynamiques sociales et politiques de la vie privée » et avec l’axe transversal récemment créé par Samir Hadj Belgacem « Migrations, Minorités, Mobilisations ».
Au moment où je rédige ce texte, je suis en route pour Bruxelles où je vais rejoindre un projet de recherche européen sur les aspirations à la (re)migration des populations d’Asie de l’Est et du Sud-Est, piloté par Asuncion Fresnoza-Flot, en me rattachant au Laboratoire d’Anthropologie des Mondes Contemporains (LAMC) et au Center for Social and Cultural Psychology (CESCUP). » - Sa thèse
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L. S. : « Dans ma thèse, j’ai cherché à comprendre l’attraction matrimoniale genrée qui existe entre les hommes français et les femmes postsoviétiques et j’ai peu à peu découvert que le marché matrimonial était désormais globalisé et genré. De plus en plus d’individus se rencontrent de part et d’autre du monde, soit par le biais de la mobilité mais également grâce aux nouvelles technologies de la communication. Mais n’importe qui n’épouse pas n’importe qui, y compris à l’échelle globale, et ma thèse s’est ainsi attachée à révéler, à partir des conjugalités franco-postsoviétiques, les scènes et les lieux de rencontre de ces couples ainsi que les échanges intimes présidant à l’élaboration et la concrétisation d’un lien conjugal. L’une des originalités de mon travail, à mon sens, réside dans l’approche que j’ai adoptée : elle a été d’une part kaléidoscopique, c’est-à-dire que j’ai cherché à saisir la globalisation du marché matrimonial depuis de multiples postes d’observation. D’autre part, et c’est le point qui nous intéresse plus précisément ici, j’ai résolument abordé ces conjugalités dans une perspective de genre. »
- Ses projets
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L. S. : « L’obtention du prix de thèse de l’Institut du genre est ainsi une immense reconnaissance car j’ai effectivement placé le genre au cœur de mon travail, en ne le considérant jamais comme une simple variable mais bien comme un concept analytique central et, envisagé ainsi, il permet, me semble-t-il, de renouveler les perspectives et d’ouvrir des chantiers de recherche sur la formation du couple en contexte globalisé. Je souhaite désormais poursuivre cette piste et continuer à explorer la globalisation genrée du marché matrimonial à partir d’autres conjugalités. Mon projet de recherche postdoctoral vise à ouvrir un nouveau terrain comparatif dans l’Ouest Saharien en commençant par la Mauritanie. Je vais en premier lieu enquêter sur les femmes françaises qui se sont installées dans ce pays et y ont fondé une famille tout en suivant leurs circulations entre la France et la Mauritanie. Par ailleurs, je reviens à mon intérêt initial pour l’écriture cinématographique et plus largement pour les écritures alternatives. En ce sens, je travaille actuellement à la réalisation d’un film documentaire sur l’histoire d’un lien mère-fille mis à l’épreuve de la migration et des événements géopolitiques entre la France et la Russie. Enfin, mon recrutement au sein du projet AspirE va également me permettre d’élargir mon appareil conceptuel sur le genre et les migrations à partir de l’étude d’une autre aire géographique, que j’ai beaucoup croisée jusqu’ici dans mes lectures, et que je vais désormais approcher de manière empirique, l’Asie de l’Est et du Sud-Est. »
Fondé en 2012 à l’initiative de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS, l’Institut du Genre est un Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) qui réunit une trentaine de partenaires institutionnels engagés dans la recherche sur le genre et les sexualités. Dédié à la coordination, à l’accueil scientifique et à la promotion de ces travaux en France et à l’international, l’Institut du Genre est hébergé par la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord au Campus Condorcet, à Aubervilliers. Afin de soutenir la jeune recherche et d’encourager la diffusion des connaissances dans le domaine du genre et des sexualités, l’Institut du Genre a créé en 2012 un Prix de thèse. Le prix s’adresse aux docteur·es ayant soutenu une thèse portant centralement sur des questions de genre et de sexualité dans un établissement partenaire de l’Institut du Genre. https://institut-du-genre.fr/ |
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