Publié le 4 mars 2020 Mis à jour le 28 novembre 2020

de Yves Morhain, psychologue clinicien, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université Lumière Lyon 2.

Peindre le désastre de la civilisation

Souvenir de promenades enfantines, « Romanin » est le pseudonyme que Jean Moulin s’invente pour exposer ses œuvres tout en cachant ses fonctions préfectorales. Dès l’enfance, il se passionne pour le dessin et se fait remarquer par la cocasserie de ses croquis humoristiques. Dessins d’humour et caricatures seront des formes d’expression privilégiées de son engagement dans la vie citoyenne et politique. En fin observateur du monde qui l’entoure et en témoin amusé, par un regard incisif et railleur, il se moque des travers de la vie mondaine et de la société des « années folles », tout en pressentant la montée du désastre qui s’annonce.

Ce livre, d’approche psychanalytique, sur l’engagement de Jean Moulin dans la création et dans la Résistance, montre combien son œuvre et sa vie s’entrecroisent. L’auteur prend appui sur les travaux d’historiens, des documents laissés par Jean Moulin (musées de Béziers, Quimper, Paris), sur les archives familiales et les témoignages de personnes qui l’ont connu. Un éclairage nouveau est porté sur ce « héros » de la France libre, fédérateur des différents courants de la Résistance, victime de la barbarie nazie.

Plus de 15 années de travail de recherche et de découverte...

Psychologue clinicien, psychanalyste à Béziers, Yves Morhain expert près de la cour d’appel de Montpellier, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Institut de psychologie de l'Université Lumière Lyon 2 et chercheur au Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC).

Retour en quelques points clefs sur la rédaction de cet ouvrage
Les différentes facettes de Jean Moulin

Évoquer Jean Moulin, c’est laissé surgir l’image du héros symbolique de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale, du résistant fédérateur des différents courants de la Résistance française ainsi que celle de la victime de la barbarie nazie. Cependant, une autre image de ce grand personnage s’impose à nous, celle de l’homme pris dans la densité de son vécu et dont le parcours entretient une relation étroite avec l’œuvre de l’artiste « Romanin », pseudonyme que Jean Moulin s’est inventé, en souvenir de promenades enfantines. 

De Jean Moulin à Romanin

Dès l'enfance, Jean Moulin s’est passionné pour le dessin et se fait remarquer par la cocasserie de ses croquis humoristiques que ses professeurs éprouveront à leurs dépens. Ses dessins d'humour et caricatures, qui l’ont accompagné durant sa courte existence, sont des formes d'expression privilégiées de son engagement dans la vie citoyenne et politique. En fin observateur du monde qui l'entourait, il était, par son regard incisif, railleur, un témoin amusé des travers de la vie mondaine et de la société des « années folles ». Si son œuvre est inégale, elle est marquée par la place accordée à la mort. Ses étranges dessins au crayon des charniers de Bretagne de 1870, plus encore que ceux de la tragédie de la Première Guerre mondiale, annonçaient le désastre qui allait suivre, avec le même saisissement que l’on retrouvera plus tard dans les œuvres des peintres des camps de l’horreur. 

Un travail de recherche aux sources multiples

Étant de Béziers, depuis le début des années 2000 Yves Morhain a eu la chance de pouvoir être le premier à sortir de l’oubli nombre de dessins d’humour, productions picturales et d’autres documents (scolaire, cartes postales, journal intime…) concernant Jean Moulin (musée de Béziers en particulier, mais aussi Quimper, Paris, Bordeaux) et de les consulter régulièrement. En appui sur de nombreux travaux d’historien.nes le concernant, mais aussi sur des documents découverts et nombre de dessins de Jean Moulin (Musées de Béziers, Quimper, Paris, et ceux que la famille m’a fait découvrir), de personnes qui l’ont connu, son travail de recherche universitaire sur l’engagement de Jean Moulin dans la création et dans la Résistance, s’inscrit dans une approche psychanalytique. Il montre combien son œuvre et sa vie se répondent.

Une approche psychanalytique

Né de la nécessité, entre l’énigmatique et le tragique, le processus créateur de « Romanin » trace son chemin entre la légèreté de la « passagèreté » et la destructivité, à partir du matériel puisé dans les événements traumatiques de son enfance et dans sa vie. Un lien se tisse entre son œuvre et son histoire dans l’Histoire. Par-delà les événements historiques, il y a des événements qui engendrent les temporalités singulières de l’homme. Tenter de poser une lumière vive sur Jean Moulin, c’est aussi faire grandir l’ombre qu’il projette derrière lui et dans laquelle se tapit sans doute l’essentiel. Saisir l’épaisseur de sa vie, c’est moins dissiper les mystères qui l’enclosent que d’être attentif à la manière dont ils se déploient.