Mise à jour le 03 janv. 2023
Publié le 18 décembre 2022 Mis à jour le 3 janvier 2023

Lauréate du prix 2022 pour sa thèse en Études ibériques et méditerranéennes « Paroles politiques et paroles poétiques : des mouvements sociaux autochtones en Colombie à la littérature contemporaine des Wayuu », laboratoire Lettres et civilisations étrangères (LCE), École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (ED 484 - 3LA).

 
Parcours
et thèse
« Je suis très émue par l’obtention de ce prix de thèse, auquel mon directeur de thèse m’a encouragée à participer. Ce prix a d’autant plus d’importance pour moi que c’est à l’Université Lumière Lyon 2 que j’ai pris le goût de la recherche. Il me permettra, je l’espère, de publier ma thèse aux Presses universitaires de Lyon (PUL) et d’envisager une publication en espagnol en Colombie. »
Son parcours et les origines de sa thèse

L. L. S. : « J'ai 32 ans. Je suis arrivée à Lyon, depuis la Colombie, en 2008. J’ai fait une double licence en science politique et en histoire à l’Université Lumière Lyon 2, ces premières années passées à l’université ont été d’une grande richesse, j’ai beaucoup aimé la liberté de pensée et l’autonomie que m’offrait l’université. L’histoire des idées politiques m’attirant beaucoup - puisqu’à mes yeux elle allie de manière intéressante les deux disciplines - j’ai décidé de passer le concours de Sciences Po Lyon en 2012 pour faire un M1 en Action et gestion publiques à Sciences Po Lyon et un M2 en Histoire de la pensée politique à l’ENS de Lyon. À l’IEP de Lyon j’ai rencontré Thomas Hippler qui m’a donné le goût à la philosophie politique, avec qui j’ai pu nourrir mes réflexions par des discussions enthousiasmantes sur le pouvoir d’agir et qui est jusqu’à aujourd’hui d’un très grand soutien dans mes projets de recherche. Mes mémoires de recherche, sous la direction de Jacques Michel, ont porté sur les liens entre la littérature et la pensée politique à travers l’œuvre de l’écrivain argentin Julio Cortázar. Après avoir tenté d’obtenir un contrat doctoral à Lumière Lyon 2, j’ai décidé de m’inscrire en M2 Études hispano-américaines où j’ai travaillé sur la partie théorique de ma thèse, c’est-à-dire sur le postcolonialisme et sur la pensée décoloniale. J’ai donc réalisé un mémoire sous la direction d’Alvar de la Llosa qui a aussi accepté de diriger ma thèse. »

Son doctorat et sa thèse

L. L. S. : « En 2015, j’ai obtenu un contrat doctoral du GIS Institut des Amériques (IdA) « fléché » sur des actions de coopération internationale et grâce auquel j’ai pu retourner en Colombie, entre 2015 et 2018, pour faire mes recherches et pour coordonner les activités du pôle Bogotá de l’IdA. Mon projet de thèse portait sur « les politiques de la langue en Colombie » et proposait d’étudier les revendications politiques des mouvements sociaux autochtones en matière de droits linguistiques. En Colombie, j’ai fait de nombreuses rencontres, dont celle de Miguel Rocha Vivas, qui progressivement m’ont amenée à m’intéresser à la littérature autochtone et en particulier à celle des Wayuu, communauté qui habite dans la péninsule de la Guajira entre la Colombie et le Venezuela. 

Ma thèse étudie le potentiel politique de la littérature contemporaine de deux auteur.es wayuu, Estercilia Simanca Pushaina et Miguelángel López Hernández, à la lumière des revendications politiques des mouvements sociaux autochtones du XXe siècle en Colombie. Plus spécifiquement, je démontre que leur littérature, écrite en espagnol et en écriture alphabétique conventionnelle, ne trahit pas la cohérence épistémologique du peuple wayuu. Au contraire, elle est créatrice d’espaces d’autonomie politique et de savoir au sein même des espaces littéraires hégémoniques. Cette production littéraire est donc révélatrice de la capacité d’action des deux auteur.es, tout comme de celle des membres de la communauté, face aux structures de pouvoir héritées de la colonisation. 

Mes années de doctorat, même si elles furent difficiles par moment, ont été très enrichissantes. Le contrat de l’IdA m’a permis de grandir intellectuellement et de m’enrichir par l’expérience de la tradition universitaire française et colombienne. Au cours de mes recherches, j’ai progressivement mis en place une méthodologie interdisciplinaire et interculturelle grâce à laquelle j’ai pu longuement dialoguer avec Estercilia Simanca et Miguelángel López sur leurs motivations esthétiques et politiques mais aussi avec plusieurs membres de la communauté qui m’ont accueillie avec une grande générosité. Je dirai que ces dialogues ont transformé ma vision de la recherche, en m’amenant à m’interroger sur son impact concret, mais m’ont aussi et avant tout transformée personnellement. Dans les moments les plus difficiles de l’écriture ce sont ces dialogues, dans leurs aspects les plus humains, qui m’ont donné de la force pour continuer. »

Sa participation au concours

L. L. S. : « Je suis très émue par l’obtention de ce prix de thèse, auquel mon directeur de thèse m’a encouragée à participer. Ce prix a d’autant plus d’importance pour moi que c’est à l’Université Lumière Lyon 2 que j’ai pris le goût de la recherche. Il me permettra, je l’espère, de publier ma thèse aux Presses universitaires de Lyon (PUL) et d’envisager une publication en espagnol en Colombie. »

Ses projets en cours et à venir
L. L. S. : « Les échanges  avec Estercilia Simanca et Miguelángel López (les deux auteur.es wayuu avec qui j'ai pu dialoguer dans le cadre de ma thèse) m’ont amenée à m’intéresser au développement de projets de recherche collaborative ou de recherche-action. En parallèle de l’écriture de ma thèse je me suis investie, avec l’anthropologue Salima Cure, dans la conception d’un projet muséographique co-construit avec des membres de 5 peuples autochtones en Colombie et 2 survivants du conflit armé en Colombie de l’ « Asociación de Víctimas y Sobrevivientes del Nordeste Antioqueño » (ASOVISNA).
Affiche expo
Ce projet fait partie des activités du centre de pensée « Pluralizar la paz » de l’Université Nationale de Colombie et a donné naissance à l’exposition « Sanaduría, mediaciones para tejer sentidos plurales de la paz » qui cherche à penser le caractère pluriel du concept de paix à travers, notamment, des pratiques et des savoirs associés à l’usage rituel et quotidien des plantes et du tissage. Le contenu conceptuel et matériel de l’exposition résulte des dialogues avec les chercheurs autochtones du projet et les survivants du conflit. Elle sera inaugurée le 15 avril 2023 dans la salle « El parqueadero » du Museo de Arte Miguel Urrutia (MAMU) de Bogotá.

Par ailleurs depuis septembre 2022, je suis responsable des études à l’Institut pour la Paix (IPP), une association ayant pour objet l’introduction et la promotion des peace studies en France. L’IPP a pour objectif de constituer un champ scientifique sur le domaine de la paix et de promouvoir des dialogues avec les praticien.nes et les artisan.es de la paix. Au sein de l’IPP, je coordonne ces travaux scientifiques en lien avec ses 5 groupes de travail et ses institutions partenaires. »

Sur le terrain

Un.e chercheur.e peut aussi étudier son sujet dans son environnement naturel pour mieux le comprendre, pour certaines disciplines ou suivant le projet de recherche, c'est même essentiel. On parle alors d'“étude de terrain” ou de “travail de terrain”.
Laura Lema Silva nous donne un aperçu de son terrain avec quelques photos de La Guajira, territoire des Wayuu.

 
Le département colombien de La Guajira tire son nom de la péninsule homonyme où il est situé, laquelle est nommée d'après le terme de Guajiro, nom espagnol des indiens Wayuu qui vivent dans cette région. Ce peuple amérindien vit à la frontière de la Colombie et du Venezuela. Il est le plus important de Colombie et du Venezuela quant au nombre d'habitants, avec 8 % de la population de l'État vénézuélien Zulia et 45 % de la population du département colombien La Guajira, soit plus de 500 000 personnes.
La Guajira
La Guajira, territoire des Wayuu
Les Chemins de la Alta Guajira - juillet 2017
La Guajira, territoire des Wayuu
Macuira - Alta Guajira - juillet 2017

Questionnaire
de Proust

Laura Lema Silva se prête au jeu du questionnaire de Proust.

  • Quelle est la ville où vous aimeriez vivre ?
    « Une ville en bord de mer. »
     
  • Quel est votre film culte ?
    « Je n’en ai pas vraiment, mais je vous recommande La estrategia del caracol du réalisateur colombien Sergio Cabrera. »
     
  • Si vous n'étiez pas devenue docteure dans votre discipline à Lumière Lyon 2, qu'auriez-vous aimé faire ?
    « Du théâtre ! ».
     
  • Quel est votre mot favori ?
    « Lapü qui signifie rêves en wayuunaiki. Dans la cosmologie de la communauté wayuu, Lapü est une méta-personne qui permet à Sawai Piushi – l’obscurité nuit – de transformer la force de son esprit en paroles. »
     
  • Qu'est-ce qui vous fait peur ?
    « Le manque d’esprit critique. »
     
  • Quel est le don que vous aimeriez posséder ?
    « Écrire de la poésie, ou comme dirait Cecilia Vicuña de la podesía el poder del sí, / el poder que le dice sí a lo que es ».
     
  • Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
    « Sufrir la guerra y rehacer la vida. Il s’agit de l’un des plus de 10 tomes du rapport Hay futuro si hay verdad que la Commission de la Vérité en Colombie publie depuis juin 2022. » 
     
  • Que vous reproche-t-on souvent ?
    « D’être impatiente. »
     
  • Qu'est-ce qui vous fait rire ?
    « Le rire contagieux de mes proches. »
     
  • Que détestez-vous ?
    « L’absence d’empathie. »
     
  • Quelle est votre devise ?
    « Je n'en ai pas. »
     
  • Quel est le moment de la journée que vous préférez ?
    « Le moment juste avant le lever du soleil, surtout lorsque je suis dans le territoire des Wayuu. »
     
  • Avez-vous un modèle (scientifique, essayiste, personnalité…) ou une personne qui vous inspire ?
    « Je n’ai pas vraiment de modèle mais la force créatrice des auteurs et autrices autochtones est une réelle inspiration pour moi. »