Mise à jour le 15 déc. 2021
Publié le 30 novembre 2021 Mis à jour le 15 décembre 2021

Accessit du prix 2021 pour sa thèse de sciences du langage « Éléments de grammaire tikuna (parler de San Martín de Amacayacu, Colombie) », laboratoire Dynamique du langage (DDL), École doctorale Lettres, langues, linguistique & arts (3LA).

Parcours
et thèse
« Plus de cinq années de doctorat au total, intenses et quelquefois franchement éprouvantes, mais qui m’auront, sans surprise, appris et apporté infiniment plus que le peu qui s’est frayé un chemin jusque dans l’épais manuscrit de ma thèse. »
Quel est votre parcours ?

D. B : J’ai 32 ans et je suis originaire de Limours-en-Hurepoix, une petite ville du sud de la région parisienne. Mon intérêt vif et précoce pour les langues du monde m’a conduit à intégrer en début d’études supérieures une école préparatoire littéraire, puis à entrer simultanément à l’ENS Ulm et à l’EPHE (Paris) pour y suivre des études de langues diverses et de linguistique. J’ai ensuite profité d’une année d’arrêt d’études passée au Pérou pour aller à la rencontre de locuteurs d’une langue quechua très menacée et rassembler avec leur collaboration mes premières données de terrain. Celles-ci ont fourni la base de mon mémoire de M2, qui portait sur la description morphologique de cette langue quechua.

Quel est le sujet de votre thèse ?

D. B. : Mon M2 en poche, j’ai découvert à l’occasion d’un long séjour en Colombie l’existence du tikuna, une langue d’Amazonie occidentale isolée (c’est-à-dire sans parenté connue) et encore très peu décrite. Des circonstances favorables et quelques rencontres-clefs (Jean-Pierre Goulard et Antoine Guillaume, en tout premier lieu) ont permis que je fasse de cette langue richement tonale le sujet aussi stimulant que déroutant de mon doctorat, réalisé au sein du laboratoire Dynamique Du Langage (DDL, CNRS–Lyon 2) sous la direction d’Antoine Guillaume. J’ai ainsi effectué, entre 2015 et 2018, quatre séjours de durée moyenne dans le village colombien de San Martín de Amacayacu, situé à quelques kilomètres du grand fleuve Amazone et dont la plupart des habitants sont locuteurs d’une variété de tikuna. J’y ai bénéficié mois après mois des enseignements bienveillants de Loida Ángel Ruiz, Javier Sánchez Gregorio, Eulalia Ángel Ruiz et James Gregorio Sánchez, ainsi que d’une quinzaine d’autres Tikuna que je ne peux mentionner ici que collectivement. Il m’aura fallu deux années supplémentaires pour parvenir à analyser avec un niveau de détail satisfaisant la masse de données recueillies avec elles et eux et à dresser sur cette base une description préliminaire de la grammaire de leur langue. Plus de cinq années de doctorat au total, intenses et quelquefois franchement éprouvantes, mais qui m’auront, sans surprise, appris et apporté infiniment plus que le peu qui s’est frayé un chemin jusque dans l’épais manuscrit de ma thèse.

Quelles sont vos "activités" depuis votre soutenance ?

D. B. : J’enseigne aujourd’hui les Sciences du Langage en tant qu’ATER à Aix-Marseille Université et suis désormais rattaché au Laboratoire Parole et Langage (LPL, CNRS-AMU). Je continue à explorer mes données tikuna depuis de nouvelles perspectives en attendant de pouvoir rendre une nouvelle visite à mes collaborateur/trices et professeur.es de tikuna à San Martín de Amacayacu.

Que représente le prix de thèse et quelle raison vous a motivé à candidater ?

D. B. : Ma motivation première pour participer à ce concours était qu’il m’offrirait peut-être l’occasion de rétribuer à sa juste mesure, non seulement symboliquement mais aussi et surtout matériellement et financièrement, le travail de mes quatre principaux/ales collaborateur/trices et professeur.es de tikuna, dont j’ai cité les noms ci-devant et à qui je projetais de remettre à parts égales un éventuel prix. Je leur dédie tout au moins cet accessit. Une thèse de linguistique de terrain peut certes n’avoir qu’un seul auteur au sens strict du terme, mais elle est absolument toujours le fruit d’une collaboration quotidienne avec des locuteur/trices natif/ves. Faute de moyens spécifiques, cette collaboration pourtant indispensable reste généralement peu valorisée au-delà des simples remerciements d’usage.

Ci-contre, photographie de terrain : « Mon professeur et collaborateur Javier Sánchez Gregorio et moi-même en train d'analyser un enregistrement en tikuna. »
Questionnaire
de Proust

Denis Bertet s'est prêté au jeu de notre version du questionnaire de Proust.

  • Quelle est la ville où vous aimeriez vivre ?
    Aucune : je supporte de moins en moins la ville, quelle qu’elle soit. Ou alors peut-être Leticia, qui est davantage une île urbaine au milieu de la forêt qu’une ville au sens classique du terme.
     
  • Quel est votre film culte ?
    Je n’en ai pas, mais parmi les plus fascinants que j’aie vus dernièrement, je recommande fortement le documentaire Acasa, l’adieu au fleuve de Radu Ciorniciuc (2020 ; à voir en rediffusion sur Arte.tv).
    .
  • Si vous n'étiez pas devenu docteur dans votre discipline à Lumière Lyon 2, qu'auriez-vous aimé faire ?
    Étudier la paléontologie ou la biologie en général, devenir interprète de conférence LSF-français ou traducteur thaï-anglais-français, retourner vivre en Thaïlande ou partir vivre au Brésil, ouvrir un restaurant ou me former à l’agriculture biologique...
     
  • Quel est votre mot favori ?
    Fruit.
     
  • Qu'est-ce qui vous fait peur ?
    La maladie.
     
  • Quel est le don que vous aimeriez posséder ?
    Pouvoir de temps à autres me transformer intégralement en une personne d’une autre culture et d’une autre langue pour découvrir une autre vie.
     
  • Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
    La vie secrète des champignons de Robert Hofrichter (Les Arènes, 2019).
     
  • Que vous reproche-t-on souvent ?
    Ma radicalité de pensée.
     
  • Qu'est-ce qui vous fait rire ?
    Dernièrement, l’hilarant, poétique et si juste Petit traité d’écologie sauvage d’Alessandro Pignocchi (Steinkis, 2017).
     
  • Que détestez-vous ?
    Essayer de comprendre et ne pas y parvenir.
     
  • Quelle est votre devise ?
    Avant de prétendre aider nos prochains, appliquons-nous donc d’abord chaque jour à ne pas leur nuire.
     
  • Quel est le moment de la journée que vous préférez ?
    L’aurore.
     
  • Avez-vous un modèle (scientifique, essayiste, personnalité…) ou une personne qui vous inspire ?
    Pas vraiment, je suis plutôt du genre éclectique : je préfère m’inspirer du meilleur d’un peu tout le monde.