Publié le 22 septembre 2020 Mis à jour le 13 mars 2022
le 1 octobre 2020

Cette année, ce sont trois femmes qui rejoignent l'institut universitaire de France (IUF) à compter du 1er octobre 2020, avec Sarah Al-Matary et Gaën Plancher, nouvelles membres Juniors de l'IUF et Manuela Martini, nouvelle membre Senior.

 
Sarah Al-Matary
IUF - Membre Junior - promotion 2020

Sarah Al-Matary
© Jérôme Panconi

Ancienne élève de l’École normale supérieure Lettres et Sciences humaines, docteure de l’université Lumière Lyon 2, Sarah Al-Matary est maîtresse de conférences en littérature française du XXe siècle à l’UFR de Lettres, sciences du langage et arts (LESLA) depuis 2010 et chercheure à l'Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM). Spécialiste des polémiques intellectuelles, elle a travaillé sur l’idée de « race » et sur l’anti-intellectualisme. Elle s’intéresse aux genres et aux supports jugés mineurs (presse, essai, écrits de femmes, d’ouvrier.es, production pornographique) ainsi qu’aux formes de la discussion savante. Les initiatives qu’elle compte développer dans le cadre de sa délégation à l’IUF doivent contribuer au développement d’un sous-axe "Éducation" dans le prochain quinquennal de l'UMR IHRIM et s’inscrivent dans le projet d'établissement de l'Université Lumière Lyon 2.

Ses recherches

Sarah Al-Matary explore les relations qu’entretiennent la littérature et les sciences sociales à partir de Jeanne Weill, alias Dick May (1859-1925), autrice et créatrice de plusieurs établissements d’enseignement supérieur libre ayant accordé une place nouvelle à l’histoire littéraire et aux arts.
Le fait qu’elle soit une femme ne suffit pas à expliquer que Dick May ait été oubliée.
Qu’elle ait essentiellement pratiqué des genres jugés mineurs, tels que le feuilleton et la nouvelle, la littérature à thèse ou l’épistolaire, non plus. Quoi qu’en disent ses détracteurs, elle a fait œuvre, tant par ses écrits que son engagement au sein de diverses structures d’éducation : à la théorie, Dick May préfère en effet la pratique, et l’action sociale telle qu’elle l’entend accorde une place centrale à la diffusion de la littérature et des arts. Grâce à Dick May, trop souvent présentée comme une simple médiatrice, se sont joués dans des espaces qu’on croit subalternes (ceux des salons, du secrétariat, des genres non canoniques) des bouleversements sans lesquels les sciences humaines et sociales n’auraient pas leur physionomie actuelle.

Réalisations prévues
  • Un dossier personnel en vue d’une « habilitation à diriger des recherches » : l’édition de la correspondance générale de Dick May ainsi qu’un essai biographique où seront envisagées les raisons pour lesquelles l’histoire de la littérature comme celle des sciences sociales ont si peu évoqué Dick May.
     
  • Deux colloques internationaux et transdisciplinaires pour mieux comprendre la constitution disciplinaire de la littérature et des arts hors des facultés : le premier concernera l’enseignement des littératures et des arts à l’Ecole des hautes études sociales animée par Dick May (1900-1925) ; le second différents différents établissements d’enseignement supérieur libre, des Universités populaires jusqu’au Collège libre des sciences sociales (1894-1953).
    Ce projet espère combler trois angles morts :
    - le fait que l’historiographie ait négligé l’enseignement supérieur libre, hors de sa variante confessionnelle ;
    - que l’enseignement de la littérature ait été majoritairement considéré au prisme des lycées ou des facultés de lettres ;
    - que l’importance des établissements libres dans la constitution de la discipline sociologique ait écrasé les études littéraires et artistiques, elles aussi en pleine transformation. Plus accessibles, ces dernières occupent pourtant une place centrale, ne serait-ce parce qu’elles légitiment le fait que l’éducation républicaine prétende s’adresser à tous. Au sein desdites structures, la diffusion « mondaine » des connaissances artistiques et littéraires contribue ainsi à la constitution des études littéraires, de l’histoire de l’art et de la musicologie en disciplines universitaires.
     
  • Une journée portes ouvertes : « Qu’est-ce qu’une université en LSH ? » (Université Lumière Lyon 2)
    Tout.e enseignant.e réfléchit à ses pratiques pédagogiques ; tout.e chercheur.e est conscient de s’inscrire dans un champ. Les tables rondes « La vie intellectuelle à l’université Lyon 2. Une étude, des archives, un dialogue (1973-2018) » organisées par Michèle Clément et Monica Martinat l’ont bien montré. À l’heure où notre établissement affirme sa stature d’université en SHS à l’échelle locale, mais aussi nationale, et qu’il est parfois attaqué pour ses choix méthodologiques, présentés comme des orientations idéologiques, une journée de témoignages et de débats sur l’apport des lettres comme sciences humaines à la vie intellectuelle contemporaine attirerait sans doute un large public, invité à rejoindre la discussion. Cet échange pourrait inspirer d’autres rencontres en France et susciter une enquête comparative sur la place actuelle des femmes dans l’enseignement des LSH.
Manuela Martini
IUF - Membre Sénior - promotion 2020
Manuela Martini

Très investie dans la mise en place de réseaux de recherche et de formation internationaux, depuis 2016 Manuela Martini est professeure d’histoire contemporaine et d'histoire du genre à l’Université Lumière Lyon 2 avec un rattachement au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA)Ses recherches se situent à la croisée entre l’histoire des femmes et du genre, l’histoire du travail et celle des migrations. Elle a publié de nombreux travaux sur l’histoire de la petite entreprise, l’économie familiale et le travail des hommes et des femmes en migration, parmi lesquels figure le volume Bâtiment en famille. Migrations et petite entreprise en banlieue parisienne au XXe siècle (Paris, CNRS éditions, 2016).

Son parcours

Après avoir reçu un diplôme de laurea à l’université de Bologne, Manuela Martini a obtenu un Diplôme d’études approfondies en Histoire et civilisations à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris et a intégré ensuite le doctorat d’Histoire économique et sociale de l’Université Bocconi de Milan. Grâce à une Marie Curie Fellowship de la Commission européenne, elle a travaillé successivement à l’Institut national d’études démographiques de Paris et comme post-doctorante au CNRS avant d’être recrutée à l’Université de Paris 7-Denis Diderot en 2001, où elle a enseigné l’histoire économique et l'histoire contemporaine de l’Europe.

Son projet

Issu de sa réflexion actuelle sur le travail rémunéré et non rémunéré des femmes et des hommes en France, le projet Femmes industrieuses vise à collecter des nouvelles sources et à jeter les bases pour une recherche comparative sur l’industrialisation de l’Europe méditerranéenne adoptant la perspective de l’histoire des femmes et du genre

L’une des conséquences les plus durables du développement industriel européen est la présence relativement modeste des femmes dans les métiers qualifiés et l’entrepreneuriat dans l’Europe méridionale par rapport à l’Europe du Nord. Or, leur augmentation est un enjeu pour l’ensemble de nos sociétés, car leur développement économique socialement soutenable en dépend. 

Le projet explore ces questions à travers l’étude des travailleuses qualifiées, contremaîtresses et entrepreneuses du textile dans l’Europe méditerranéenne pendant la première et le début de la deuxième « Révolution industrielle ». Il s’agit d’actrices de premier plan de l’industrialisation dans les différents chemins qu’elle a pu prendre, tous marqués par un développement massif de l’industrie textile dans la première phase de l’industrialisation européenne, et bien souvent même au-delà. Ces femmes industrieuses, ayant occupé des emplois qualifiés, des fonctions à l’interface entre main-d’œuvre et employeurs ou de gestion d’unité productive, dont l’importance semble aller de soi, sont pourtant peu connues pour le passé. La grande masse des travailleuses non qualifiées qui peuple les rangs de la main-d’œuvre ouvrière de la première industrialisation a occulté leur présence. À l’intersection entre histoire économique, histoire du travail et histoire du genre ce projet se donne pour objectif d’analyser la formation et la morphologie sociale de ce groupe et de montrer quel fut son rôle particulier dans les pays du Sud de l’Europe. Il s’efforce ainsi de mettre en évidence la façon dont la structure productive des régions industrielles euro-méditerranéennes a articulé de manière singulière et étroitement complémentaire grandes et petites unités de production, en contribuant ainsi à la réflexion contemporaine sur la diversité comparée des voies régionales suivies par l’industrialisation.

Gaën Plancher
IUF - Membre Junior - promotion 2020

Gaën Plancher

Après l'obtention d'un doctorat de psychologie cognitive en 2009, Gaën Plancher a ensuite réalisé deux postdoctorats, un à l’Université de Genève en Suisse et un à l’Université François Rabelais à Tours. En septembre 2012, elle a été recrutée comme maîtresse de conférences par le laboratoire d’Étude des mécanismes cognitifs à l’Université Lumière Lyon 2. En juillet 2017, elle obtient son Habilitation à Diriger des Recherches, "Oubli et maintien en mémoire de travail". En 2018, un congé pour recherche ou conversion thématique (CRCT) lui permet de partir aux États-Unis et d’y développer des collaborations avec Indiana University. La même année, elle décroche également un financement ANR jeune chercheure.

Ses recherches

Depuis son doctorat, ses recherches portent sur la mémoire. Alors que sa thèse a porté sur la mesure de la mémoire épisodique en réalité virtuelle, Gaën Plancher s'est ensuite tournée vers les modèles théoriques de la mémoire de travail, pour finalement questionner les relations entre mémoire à court-terme et mémoire à long-terme. Depuis, ses recherches se focalisent sur la compréhension des processus qui permettent la création, le maintien, la manipulation et la consolidation à long-terme des traces mnésiques.

Son projet

Son projet porte sur les interactions dynamiques entre la mémoire de travail et la mémoire à long-terme. Il s'agira d'étudier les mécanismes neurocognitifs du stockage en mémoire, depuis le maintien en mémoire de travail jusqu’à la consolidation à long-terme. Pour ce faire, Gaën Plancher mesurera les oscillations neuronales avec l’électroencéphalographie pour étudier directement la dynamique des processus de maintien et de consolidation en mémoire. Le but ? Mettre en évidence une signature des processus de mémoire de travail qui prédirait les performances de mémoire au cours du temps.
Même si le projet est assez technique et pointu, son impact et ses retombées sociétales sont indéniables. En fournissant des connaissances sur la mémoire et les apprentissages, le projet est directement en lien avec des problématiques liées à l’enseignement et l’éducation. Nous savons déjà que la mémoire de travail est un bon prédicteur de succès dans différentes activités, notamment la réussite scolaire. De faibles capacités de mémoire de travail peuvent contribuer directement aux difficultés que rencontrent chaque jour les enfants et les étudiant.es dans leur parcours académique. Un tel projet apportera un éclairage et des pistes pertinentes pour la lutte contre l’échec scolaire et universitaire.

L'IUF
Ayant pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les universités et de renforcer l'interdisciplinarité, l'Institut universitaire de France (IUF) poursuit 3 objectifs :
  • encourager les établissements et les enseignant.es-chercheurs.e à l'excellence en matière de recherche, avec les conséquences positives que l'on peut en attendre sur l'enseignement, la formation des jeunes chercheur.es et plus généralement la diffusion des savoirs ;
  • concourir à la féminisation du secteur de la recherche ;
  • contribuer à une répartition équilibrée de la recherche universitaire dans le pays, et donc à une politique de maillage scientifique du territoire.

Informations pratiques