Au cœur des quartiers brésiliens
Doctorante contractuelle à l’Université Lumière Lyon 2, en cotutelle internationale avec l’Université de São Paulo au Brésil, Laure prépare une thèse sur les représentations des migrations internationales contemporaines à São Paulo. Elle est membre de l’Équipe de recherche de Lyon en sciences de l’information et de la communication (ELICO).
Quel parcours vous a conduit à mener vos recherches au Brésil ?
Pendant mes études en science politique, j'ai effectué une année d'échange universitaire au Brésil. Mon 1er mémoire de master analysait la représentation des quartiers populaires de Rio de Janeiro dans les médias à l’aune de la Coupe du monde 2014 et des Jeux Olympiques de 2016. Pour mon 2e mémoire en sciences de l’information et de la communication, j'ai vécu six mois à Rio grâce à une bourse REFEB (Réseau Français d'Études Brésiliennes) afin d’étudier la formation de jeunes inscrit.es dans un projet d’école populaire de communication à « L’observatoire des favelas ». Je suis passée de l’analyse des discours médiatiques, dans lesquels les favelas sont présentées comme des quartiers sensibles et insalubres, à une expérience de terrain très différente au sein de ces territoires qui regroupent en réalité une grande diversité de quartiers et d’habitant.es.
Quelles sont les particularités des thèses réalisées en cotutelle ?
Chaque université ayant ses propres règles concernant le doctorat, la convention de cotutelle permet de définir le cadre de réalisation de la thèse et de sa soutenance. L’interculturalité, l’immersion dans le pays et la pratique de la langue sont les principaux atouts de ce dispositif. La thèse en cotutelle débouche en outre sur l’obtention de deux diplômes, dans chacun des établissements. Lúcia Maciel Barbosa de Oliveira, professeure à l'École des Communications et des Arts de l’Université de São Paulo, est ma directrice de thèse au Brésil. Son point de vue est souvent complémentaire avec celui de ma directrice de thèse en France, Marie Després-Lonnet, professeure et directrice de l’Institut de la Communication à l’Université Lumière Lyon 2.
Quel est l'objectif principal de vos recherches ?
J’étudie les mises en récit de la ville de São Paulo et du phénomène migratoire dans la mégalopole, en particulier les réappropriations qui se jouent entre les discours se fondant sur l’image d’une ville accueillante et la réalité vécue des personnes qui y habitent au quotidien. Il est d’autant plus primordial de réfléchir à ces questions que le Brésil connait un contexte de crise politique, sociale, économique, culturelle et sanitaire aigü. Beaucoup d’associations et de personnalités œuvrent pour rendre ces problématiques plus visibles. La mairie de São Paulo a d’ailleurs mis en place un conseil municipal des immigré.es, l’un des seuls qui existe au monde. Cette politique est le résultat de la mobilisation des acteurs connaissant les réalités du terrain.
Quelles sont vos méthodes de recherche ?
Les sciences de l’information et de la communication me permettent de mobiliser différentes méthodes : l’enquête ethnographique ou « l’observation participante » au sein des quartiers, collectifs et institutions et l’analyse sémio-discursive qui consiste à comparer les discours médiatiques, politiques et culturels. En 2019, j’ai passé trois mois sur le terrain. J’ai participé à la vie associative et mené des entretiens variés avec des collectifs, des migrant.es, etc., en fondant mes recherches sur la co-construction du savoir. L’année 2020 devait être une année complète de terrain mais en raison de la situation sanitaire, j’ai dû rentrer en France. Depuis mon terrain est devenu virtuel : je participe aux événements et mène mes entretiens en ligne. Les personnes que je contacte ont souvent d’autres soucis car la crise a amplifié leurs difficultés et leurs revendications. Mais mon travail permet de rendre visible ce qui se passe pour elles dans ce contexte tragique.
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Quels sont vos projets professionnels après votre thèse ?
J’aimerais soit continuer dans le domaine de la recherche et de l’enseignement, soit dans le milieu associatif. Avant mon doctorat, j’ai fait un service civique de 7 mois à la Maison des solidarités locales et internationales, puis un volontariat international d’un an à l’Ambassade de France à Brasilia. Ces expériences en lien avec le milieu associatif ont été très formatrices et m’ont beaucoup plu. Poursuivre dans la recherche me permettrait de conserver ces 2 versants, théorique et pratique. En effet, contrairement à l’image que l’on peut parfois avoir de la recherche, elle est souvent ancrée dans la réalité et est utile aux politiques publiques, aux institutions culturelles, etc. L’un des projets de recherche que j’aimerais explorer plus tard est une comparaison de mes recherches sur les migrations au Brésil avec ce qui se passe en France. Je m’y intéresse déjà : en septembre 2018, des migrant.es ont occupé mon ancien collège, le collège Maurice Scève à Lyon. J’ai commencé un projet filmique sur la mémoire des ancien.nes élèves et de certain.es habitant.es du collège. Ce travail ne fait pas directement partie de ma thèse mais il alimente ma réflexion. J’ai aussi beaucoup filmé à São Paulo, dans l’objectif de produire plus tard un mini-documentaire sur mes recherches. Par contre je ne suis pas sûre de prolonger mon expérience à l’international après ma thèse. En effet je voyage beaucoup depuis 2012, c’est très enrichissant et j’aime ça, cependant je ressens le besoin d’être quelque part de manière plus pérenne. Mais ça peut dépendre de mes rencontres et opportunités futures, je ne me ferme aucune porte !
Crédit photo : Giovanni Francischelli.
Crédit photo : Laure Guillot-Farneti
Crédit photo : Laure Guillot-Farneti
Crédit photo : Allan Cunha
Crédit photo : Laure Guillot-Farneti
Crédit photo : Laure Guillot-Farneti
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Crédits
Illustration : © Alex Lafourcade / Direction de la communication