Publié le 30 juin 2023 Mis à jour le 16 novembre 2023
le 23 juin 2023

Dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire), des gravures réalisées sur les parois d’une cavité avec les doigts viennent d’être datées de plus de 57 000 ans. Réalisées par Néandertal, elles font de ce site la plus ancienne grotte ornée de gravures connue à ce jour en France – et peut-être même en Europe. Ces travaux interdisciplinaires impliquant tous les membres d’un projet collectif international de recherche, dont le laboratoire Archéologie et archéométrie (CNRS / Université Lumière Lyon 2), ont été publiés dans PLOS ONE le 21 juin 2023.

Les origines du projet

Mise au jour en 1846, la grotte de la Roche-Cotard est restée inaccessible jusqu’en 1912, date à laquelle le propriétaire du terrain sur lequel elle est située en a dégagé l’entrée colmatée, qu’il a présenté dans une note en 1913, illustrée de photos et d’un plan. En 1976, Jean-Claude Marquet, alors à l’Université de Dijon, y poursuit des fouilles. Mais c’est en 2008 qu’a repris véritablement le travail de recherche sur cette grotte, grâce à un projet pluridisciplinaire. Ce sont ces travaux qui ont permis de découvrir et de contextualiser les gravures, localisées sur une paroi de tuffeau d'une douzaine de mètres de longueur, couverte, dans sa partie supérieure, d'un mince film d'altération.
Majoritairement réalisés avec les doigts, ces tracés représentent des motifs non figuratifs. Une étude expérimentale et des relevés précis selon les méthodes les plus performantes (photogrammétrie) ont permis de caractériser, de relever et de reproduire expérimentalement de tels tracés, de confirmer leur caractère humain et d’éliminer toute hypothèse de production fonctionnelle, naturelle, animale, géologique ou accidentelle les concernant. Ces mêmes études, combinées à l’analyse des traces d’altération et des différences colorimétriques, ont permis d’écarter la possibilité que ces tracés aient pu être réalisés après l’ouverture de la cavité en 1912. Ils sont donc bien antérieurs au XXe siècle. Dès lors, la question était de savoir à quelle période ces gravures avaient été réalisées.

 

Les techniques de datation

L’étude des sols a montré que la grotte a été en partie inondée à plusieurs reprises par la Loire, dont le cours actuel passe à deux kilomètres du site. Au cours des millénaires, des limons d’inondation ont envahi la cavité et ont recouvert des couches archéologiques contenant des outils néandertaliens, découverts en 1912. Ces limons ont fini par colmater l’entrée de la grotte, en la dissimulant sous plusieurs mètres de dépôt. La fermeture a pu être datée en déterminant l’âge de ces dépôts par luminescence stimulée optiquement (laboratoire de Géophysique de Budapest, Université technique du Danemark, laboratoire Géosciences Rennes - CNRS/Université de Rennes).
De nouvelles datations obtenues en 2023 montrent que la grotte a été fermée il y a environ 57 000 ans, soit une période où Homo sapiens n'était pas encore présent en Europe. La base de la principale couche de limons de débordement de la Loire, celle qui a recouvert les couches archéologiques, elles-mêmes très probablement contemporaines des gravures pariétales, a fait l’objet de deux datations qui ont donné un âge d’environ 75 000 ans. Néandertal a donc occupé cette grotte il y a au moins 57 000 ans, et cette occupation remonte vraisemblablement à 75 000 ans. Il y a laissé des outils, des ossements d’animaux et, fait exceptionnel, des gravures pariétales. Ces découvertes montrent ainsi que les gravures pariétales ne sont pas propres à Homo sapiens.

 

Focus sur la participation du laboratoire ArAr

Christine Oberlin, ingénieure CNRS au laboratoire Archéologie et Archéométrie (ArAr), est responsable de la plateforme "Datation" : le Centre de Datation RadioCarbone (C14). Elle a travaillé sur ce projet avec Marie-Thérèse Cuzange, assistante ingénieure (depuis à la retraite) qui a préparé les échantillons.
 

« Je suis impliquée dans ce projet car, comme pour n'importe quelle fouille programmée ou de sauvetage, les archéologues font faire des datations par le carbone 14. Pour la Roche Cotard, nous avons fait 16 datations sur des échantillons d'os issus de différents niveaux de la grotte par la méthode du carbone 14 (3 autres datations ont été faites dans le laboratoire de Gif sur Yvette dans les années 1980). Les résultats sont pratiquement tous au-delà de la limite de notre méthode (sup à 40000 - 45000 BP). C'est donc la méthode de datation OSL qui a pris le relais pour dater la grotte puisque ses limites sont bien au-delà de celles de la méthode de datation par le carbone 14. » 
Le Centre de datation par le RadioCarbone (CDRC) de Lyon, composante du laboratoire Archéologie et Archéométrie (ArAr) est spécialisé, depuis plus de cinquante ans, dans la datation des matières carbonées provenant de sites archéologiques. Cette spécialisation lui a permis de devenir le laboratoire référent pour la préparation des échantillons archéologiques du CNRS et du ministère de la Culture.
https://c14.mom.fr/

Informations pratiques

Partenaires

Les laboratoires français impliqués sont :
- Cités, Territoires, Environnement et Sociétés (Citeres, CNRS/université de Tours),
- GéoHydrosystèmes continentaux. Faculté des Sciences. Université de Tours,
- Centre Tourangeau d’histoire et d’étude des sources de l’Université de Tours (CeTHiS)
- Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (AASPE, CNRS/MNHN),
- Géosciences Rennes (CNRS/Université de Rennes),
- Institut des Sciences de la terre d’Orléans (CNRS/BRGM/Université d’Orléans),
- Laboratoire de géographie physique et environnementale (Geolab, CNRS/Université Clermont Auvergne/Université de Limoges),
- De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (Pacea, CNRS/Ministère de la Culture/Université de Bordeaux),
- Histoire naturelle de l'Homme préhistorique (CNRS/MNHN/Université de Perpignan via Domitia)
- Archéologie et sciences de l’antiquité (ArScAn, CNRS/Ministère de la Culture/Université Panthéon-Sorbonne/Université Paris Nanterre),
- Cultures et environnements : préhistoire, antiquité, Moyen-Âge (Cepam, CNRS/Université Côte d’Azur),
- Archéologie et archéométrie (ArAr, CNRS/Université Lumière Lyon 2).
Des scientifiques de l’Inrap ont également participé à cette étude.