Publié le 23 mars 2023 Mis à jour le 16 novembre 2023
le 25 mars 2023

Le saviez-vous ? « Les bobines du sacré » fête cette année ses 10 ans. Unique en son genre, ce festival porte sur le rapport entre les religions et le cinéma. Organisé par l'Institut supérieur d'étude des religions et de la laïcité (ISERL), il réunit chaque année, depuis la première édition en 2013, des enseignant.es-chercheur.es et des réalisateur/trices pour débattre de la question religieuse est abordée sous plusieurs angles. Afin d’offrir une vision la plus complète possible, toutes les religions sont présentées.

Ce 10e anniversaire est l'occasion d'un entretien avec Philippe Martin, directeur de l'ISERL.
Professeur d’histoire moderne, chercheur au laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA), Philippe Martin est Directeur de l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité (ISERL) et du groupement d'intérêt scientifique Religions - pratiques, textes, pouvoirs. Ses recherches portent sur l’époque moderne, la spiritualité, les dévotions, la Nouvelle-France, l’espace sacré et l’histoire du livre. Parmi ses dernière publications : Rencontres avec le diable - Anthologie d'un personnage obscur, les éditions du cerf, 2022 ; Les religions face aux épidémies - De la peste à la Covid-19, les éditions du cerf, 2020 ; Petite anthologie du « bien mourir », Paris, Magnard-Vuibert, 2012 ; Une Renaissance lorraine (1508-1608), Metz, Serpenoise, 2012 ; Le théâtre divin. Histoire de la messe, XVIe-XXe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2010.

Pourquoi avoir lancé ce festival il y a 10 ans et qu’est-ce qui, depuis 10 ans, assure sa pérennité et sa renommée ?

P. M . : Comment parler des questions religieuses dans une société qui est très crispée face à ces sujets ? On sait la difficulté d'aborder des thématiques pourtant essentielles pour le "vivre ensemble". C'est pour répondre que nous avons organisé ce festival. Partir d'un film, le plus souvent documentaire, pour lancer le débat. Le film n'est pas un prétexte mais le support pour faire voir une situation et amorcer la discussion.
Le pari semble gagné. En dix ans nous avons abordé les sujets les plus difficiles : les couples mixtes, homosexualité et religion, guérisons, superstitions, religions dans les milieux du travail, pèlerinages... Nous avons parlé du catholicisme, de l'islam, du protestantisme, du judaïsme, de l'hindouisme, du vaudou... et même de l'animisme. Nous sommes intervenu.es dans des bibliothèques, des prisons, des cinémas professionnels, des lycées, des associations, des centres culturels... et même des lieux de culte. Jamais nous n'avons au le moindre problème. Nous avons rencontré des publics divers mais toujours respectueux des autres, désireux de s'instruire, voulant dépasser les a priori, conscient.es que le vivre ensemble est essentiel pour notre société.

 

C’est un festival porté par l’ISERL et des établissements universitaires. Qu’est-ce que cela apporte de spécifique à cet événement parmi l’ensemble des festivals de cinéma aujourd’hui ?

P. M . : Nous croyons à l'importance du film pour former et analyser. C'est pour cela que l'ISERL a réalisé de nombreux films et des webdocumentaires.
Notre particularité est notre volonté d'ouverture. Ouvrir l'Université en sortant de nos amphithéâtres pour aller dans les lieux les plus divers ; travailler avec les personnels des bibliothèques pour établir le programme ; prendre en compte toute la cité, y compris les prisons ; considérer tous les publics y compris des enfants de milieux peu favorisés... Cette diversité est notre "marque de fabrique", la manifestation de notre volonté de considérer la diversité.

 

Quelle est la place du sacré dans le cinéma aujourd’hui, et pourquoi est-ce important de continuer à le filmer ?

P. M . : Dès les premières bobines du cinéma, la religion a été portée sur les pellicules pour instruire, faire réfléchir ou se moquer. Aujourd'hui, le sacré intervient à trois niveaux. Ce sont les innombrables documentaires qui illustrent la soif de comprendre l'autre pour mieux vivre avec lui. Ce sont aussi les fictions qui tournent autour des questions religieuses, dans L'Apparition (2018) Xavier Giannoli s'interroge sur la "fabrique" du miracle, dans Les éblouis (2019) Sarah Suco analyse le phénomène sectaire, dans Incendies (2010) Denis Villeneuve présente la violence religieuse au Moyen Orient. Ce sont encore les films humoristiques, pensons à Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? (2014) ou Les aventures de Rabbi Jacob (1973) ; des comédies qui demandent de regarder derrière les clichés.

 

Et pour terminer, que souhaiter aujourd’hui aux Bobines du sacré ?

P. M . : Pour cette dixième édition, nous avons créé un prix grâce à un jury formé des professionnel.les qui nous accompagnent, nous travaillons avec le CCA (Carrefour des cultures africaines) et l'IFCM (Institut français de civilisation musulmane)... Plus que jamais nous croyons à la vertu du dialogue et à la nécessité d'agir en diversité. Et nous avons d'autres idées. Alors souhaitons nous retrouver pour le 20e anniversaire, peut-être en dépassant le cadre de la région Lyon-Saint-Étienne

Informations pratiques

Partenaires

ISERL
L'Institut supérieur d’Étude des religions et de la laïcité (ISERL) a été fondé en décembre 2009 par les Universités Lumière Lyon 2 et Jean Moulin Lyon 3 pour mener dans une perspective interdisciplinaire et comparatiste l’analyse des phénomènes religieux et de la laïcité. L’université Jean Monnet (Saint Étienne), l’École Pratique des Hautes Etudes (Paris), l'université de Saint-Étienne sont membres associés.
L’ISERL concerne pratiquement tous les domaines des Sciences Humaines et Sociales : histoire (de l’antiquité au monde contemporain), archéologie, droit, anthropologie, philosophie, sciences politiques...
Il met l’accent sur l’interdisciplinarité, réunissant des historien.nes, des philosophes, des spécialistes de littérature, des anthropologues, des juristes…