Publié le 11 mai 2020 Mis à jour le 20 mai 2020

Docteur es-sociologie, maîtresse de conférence en urbanisme, et chercheure au LAET, Stéphanie Vincent est fraîchement arrivée en septembre dernier à l’Université Lumière Lyon 2. Depuis mi-mars, elle est confinée dans son appartement croix-roussien, seule la moitié du temps, avec mon fils de 7 ans l’autre moitié du temps. Comment réussit-elle à s'organiser entre le travail à distance, l'école à domicile... ?

J’enseigne principalement dans les diplômes de l’IUL, les cours thématiques portant sur les transports et la mobilité, la sociologie urbaine, les méthodes qualitatives, la méthodologie de la recherche. J’encadre également un atelier d’urbanisme qui portait cette année sur la réalisation d’une enquête sociale dans le quartier de la Petite cité Tase à Vaulx-en-Velin en collaboration avec l’Agence d’urbanisme de Lyon et la mairie de Vaulx-en-Velin.

La contrainte majeure du confinement a été pour ma part d’arriver à concilier temps de classe scolaire, temps professionnel et temps personnel alors même que toutes ces activités d’ordinaire réalisées dans des lieux et temps distincts sont aujourd'hui confondues…
Le confinement a amené à une recomposition complète des enseignements à distance, en mettant à disposition des étudiant.es les cours sur la plateforme Moodle sous forme de notes rédigées agrémentées de différentes ressources complémentaires (articles, vidéos, interviews, etc.). La tenue des examens à distance a été plus ou moins aisée à mettre en place selon les enseignements, les conditions de travail des étudiant.es, leur accès à Internet également.

Du point de vue de la recherche, la période de confinement m’a amenée assez rapidement à m’interroger sur les temporalités de vie au sein de la famille et du couple. J’ai ainsi lancé dès fin mars un appel à témoignage sur les réseaux sociaux, auprès de mes collègues et ami.es, qui porte sur les expériences féminines du confinement.
Concilier vie pro et vie perso
© Lou Herrmann - Post-doctorante

Autour de cet appel à témoignage, je fais l’hypothèse d’une part que le confinement diminue un certain nombre de contraintes sur les femmes autour de la présentation de soi – les articles de presse reprennent notamment l’idée que le confinement libèrerait les femmes du regard des autres sur leurs corps. D’autre part, il me semble également que le confinement renforce la division genrée des tâches au sein du couple et qu’il rend d’autant plus difficile la conciliation vie professionnelle/vie privée pour les femmes. J’ai lancé cette première piste de réflexion avant tout pour satisfaire ma curiosité sur les thématiques de genre sur lesquelles j’ai peu travaillé par ailleurs.

Le cœur de mes recherches porte sur les pratiques de mobilités et la période actuelle attise l’intérêt du/de la chercheur.e… La crise sanitaire que nous traversons transforme évidemment nos pratiques de mobilité, pendant la période du confinement « généralisé » (alors même que certain.es doivent continuer à se déplacer) et pendant la période transitoire de sortie de confinement qui se dessine. L’impact est également très lourd sur le système d’offre de déplacement, sur l’offre de transport public tout particulièrement. Quelle que soit l’issue sanitaire de la crise, celle-ci laissera des traces profondes pour plusieurs raisons. Il semble acquis qu’elle se prolongera en crise économique majeure, sinon durable. Elle accélère sans doute le développement des « télé-activités » (travail ou loisir). Elle remet fortement en cause la tolérance des urbain.es pour la promiscuité. Elle interroge sur la résilience de nos systèmes de production, d’approvisionnement… Dans le même temps, il importe toujours de tenter de prendre du recul par rapport à une actualité immédiate, d’autant plus prégnante dans la situation actuelle. La crise sanitaire et les dynamiques qu’elle met à jour n’effacent pas celles qui étaient déjà à l’œuvre, ni les enjeux environnementaux, ni les enjeux sociaux, ni les enjeux économiques de nos agglomérations. Cependant, nous faisons l’hypothèse que le système de mobilité va connaître des transformations importantes et rapides à la suite de cet épisode.
C’est dans ce contexte exceptionnel que nous proposons de mettre en œuvre un dispositif coordonné de suivi et d’analyse des transformations des mobilités urbaines post-confinement, en particulier pour éclairer la décision publique dans les prochains mois. Pour ce faire, le laboratoire LAET s’est associé avec plusieurs bureaux d’étude (Arcadis, Transae et Mobil’Homme) pour mener un travail d’observatoire des mobilités, des enquêtes quantitatives et qualitatives auprès des habitant.es de la Métropole et construire des scenarios prospectifs sur l’effet de la crise sanitaire sur les mobilités. Le projet bénéficie a priori de financements de partenaires institutionnels, notamment la Métropole de Lyon et potentiellement d’autres partenaires institutionnels. Il fait aussi l’objet de demandes de financement de recherche, auprès du CNRS, de l’IDEX et de l’ANR. Si le projet est initialement prévu pour couvrir le territoire de la métropole lyonnaise, il pourrait également être étendu à certains territoires périurbains attenants ainsi que reproduit sur une autre agglomération française.