Publié le 13 mars 2025 Mis à jour le 25 mars 2025
le 13 mars 2025

Julia-Marine Chamodon, enseignante-chercheuse à l’Institut de Psychologie de l’Université Lumière Lyon 2, partage son expérimentation d’une méthode pédagogique, la classe puzzle ou jigsaw classroom.

Résumé de l'expérience : Au semestre 1 de l’année universitaire 2024-2025, Julia-Marine Chamodon a expérimenté la classe puzzle dans le cadre d’un Cours Magistral (CM) à destination des étudiants et étudiantes en Master 1 Psychologie de l'Education et de la Formation (PEF). Cette méthode pédagogique renforce l’interdépendance positive, la motivation et la compréhension mutuelle entre étudiants et étudiantes. Outre le plaisir d’enseigner et d’apprendre autrement, il ressort de cette expérience : un accroissement de l’implication, de la motivation et de l’autonomie des étudiants et étudiantes ; une ambiance générale de la classe très agréable bénéfique au développement de la groupalité, de l'esprit critique et des compétences psycho-sociales.
Mots clés : psychologie, classe puzzle, apprentissage actif, coopération.

Contexte

Julia-Marine Chamodon est enseignante-chercheuse (ATER) en psychologie du développement, affiliée au laboratoire DIPHE (Développement, Individu, Processus, Handicap, Éducation) de l’Université Lumière Lyon 2.

Dans ce cadre, elle propose un CM (Cours Magistral) intitulé « Interventions et approches psycho-éducatives auprès de l’enfant et de l’adolescent.e » dont le contenu porte sur les médiations artistiques thérapeutiques. Julia s’adresse à 42 étudiantes et étudiants du Master 1 PEF (Psychologie de l’Education et de la Formation).

Elle a utilisé la méthode de la classe puzzle deux fois lors des premiers CM. Les étudiants et étudiantes de Master 1 ne se connaissaient pas et provenaient de différentes universités et régions, donc il lui semblait important de développer la groupalité afin de faciliter l’apprentissage. De plus, ce Master se veut intégratif et rassemble des étudiantes et étudiants de diverses orientations en psychologie (TCC, psychanalytique, sociale, etc.). Certaines étudiantes et certains étudiants étant pris dans des préjugés vis-à-vis des orientations qui divergeaient des leurs, il paraissait nécessaire de développer un esprit de collaboration afin de mettre fin aux guerres épistémologiques « psy wars » (Shelder, Rabeyron, 2021).
 
La classe puzzle en quelques mots :
La classe puzzle (ou jigsaw classroom) est un outil d’apprentissage coopératif qui confère à chacun un rôle d’expert d’un sujet. Cette méthode d’enseignement est inventée en 1971 par le psychologue social américain Elliot Aronson en vue de faciliter la collaboration groupale et de réduire les préjugés inter-ethniques.

La classe puzzle consiste à créer plusieurs groupes dont chacun des membres étudie individuellement un segment d’une notion du cours et transmet ensuite ce qu’il/elle a appris aux autres, de manière à ce que les connaissances des uns/unes et des autres s’emboîtent comme dans un puzzle. Le nombre de participants et participantes dans chaque groupe dépend donc du nombre de parties du sujet à traiter.
 
  • Pour commencer, l’enseignante/l’enseignant divise son sujet en différents segments. Puis, chaque membre du groupe « puzzle » étudie un segment du cours afin d’en devenir l’experte/expert.
  • Dans un second temps, les expertes/experts d’un même segment de chaque groupe « puzzle » se rencontrent pour échanger sur leurs connaissances et réalisent une synthèse écrite. La réunion en groupe « d’expertes/experts » leur permet de préciser leur propos, d’améliorer leur compréhension.
  • Pour finir, chaque experte/expert retourne dans son groupe « puzzle » et forme ses camarades en leur transmettant la synthèse du groupe d’experte/expert. Ainsi, chaque étudiante et étudiant est formé à tous les segments du cours par ses camarades. Le travail de chacune et chacun est indispensable au travail de tous. Une restitution collective en groupe classe finalise l’apprentissage.
 

Expérience

Objectifs pédagogiques :
  1. Se former sur un contenu précis ;
  2. Travailler en coopération, développer l'intelligence collective ;
  3. Réduire les préjugés épistémologiques.
Méthode utilisée : apprentissage par les pairs.

Environnement d'enseignement/d'apprentissage : salle de cours.
 
En quelques mots : Essentiel
Julia demande aux étudiantes et étudiants de former 6 groupes de 7. Chacune et chacun étudie l’une des 7 fonctions des médiations thérapeutique (signifiante, cathartique, etc.).

Puis, les étudiantes et étudiants de la même fonction se rassemblent pour une mise en commun des connaissances et une prise de notes. Par exemple, le groupe d’expertes et d’experts de la fonction cathartique clarifie certains aspects importants du sujet. Une synthèse numérique est éditée et partagée sur la plateforme de cours de l’université, à savoir Moodle.

Ensuite, ils/elles réintègrent leur groupe initial pour former les autres à cette fonction. Les étudiants et étudiantes doivent individuellement restituer leurs connaissances au groupe.

Enfin, un temps d’échange collectif clôt l’expérience permettant des questions. L’enseignante pose des questions orientées sur ce qu’elle a entendu préalablement dans les groupes.

Chaque passage d’une étape à l’autre est signalé par le « gong » d’une percussion :
  • Gong 1 : étude individuelle de la fonction (30 min.)
  • Gong 2 : regroupement des expertes et experts d’une même fonction ; mise en commun et synthèse écrite (30 min.)
  • Gong 3 : retour dans le groupe initial (30 min. : 15 min. de formation + 15 min. d’échanges classe)
Schéma du groupe classe de l'enseignante : 6 groupes initiaux de 7 étudiants (1 étudiant = 1 fonction, 1 groupe = 7 fonctions) échangent avec 7 groupes experts de 6 étudiants (1 groupe = 1 fonction)
 

Bilan

L’expérience montre : un accroissement du niveau d’implication, de la motivation et de l’autonomie des étudiantes et étudiants ; une ambiance générale de la classe très agréable (écoute, interaction, partage, empathie) ; et un plaisir d’enseigner. Également, l’utilisation des connaissances et capacités personnelles au profit de la réflexion groupale favorise le développement de compétences psycho-sociales et de l’esprit critique (discussions, expression orale).

L’aspect central de cette méthode est l’interdépendance positive : chaque étudiante et étudiant doit nécessairement coopérer en vue d’un objectif commun. De nombreuses études attestent de l’efficacité pédagogique et sociale du dispositif. La classe jigsaw a montré une augmentation des performances scolaires de 20 à 40 % et une amélioration du « climat scolaire », notamment une baisse de 67 % des signalements en six mois de pratique (Eliott Aronson, 2002).

Après l’expérience, l’enseignante complète les connaissances acquises avec un CM davantage transmissif, qu’elle ajuste en fonction des acquis et de ce qui reste à acquérir.

Informations pratiques