Mise à jour le 30 sept. 2021

Portraits d'entrepreneur.es, ancien.nes étudiant.es Lyon 2

Publié le 22 septembre 2021 Mis à jour le 30 septembre 2021

L’association VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) soutient le développement de groupements d’achats dans les quartiers prioritaires de différentes villes. Le projet de l’association est orienté vers l’accès à des produits de qualité à des prix bas, grâce à la réduction des coûts intermédiaires (circuits-courts) et superflus (limitation des emballages).

Nom : TAVERNIER
Prénom : Boris

Asso : Vers un Réseau d’Achat en Commun pour favoriser l’accès du plus grand nombre à des produits de qualité issus de l’agriculture paysanne, biologique ou équitable
Domaines : Lutte contre la précarité, alimentation durable et responsable

Études : A fait ses études à l’Université Lumière Lyon 2 en Économie Sociale et Solidaire

Mantra : Entreprendre, c’est faire des choses avec des gens
 

Présentez-nous votre association…

L’association VRAC s’est construite à Lyon en 2013 sur la base d’un constat assez simple : quand on n’a pas d’argent, on oriente sa consommation vers le moins cher, souvent à défaut de la qualité et de la santé. C’est un phénomène qui est encore plus marqué dans les quartiers populaires, où c’est la double peine : même si on a envie de bien consommer, on n’en a pas les moyens, ou il n’y a pas d’offres sur son territoire. Donc on a développé des groupements d’achats pour rendre accessible les produits locaux et bio aux habitant.es de ces quartiers. Pour rendre les produits accessibles, on les vend au prix d’achat, on ne fait aucune marge. L’association fonctionne grâce à des financements publics et privés. Dans les quartiers populaires, les taux de diabète et d’obésité sont 4 fois supérieurs à la moyenne nationale, c’est un enjeu sanitaire fort. Financer l’accès à l’alimentation doit être un choix politique, un investissement pour la collectivité plutôt qu’un coût. On se sert de ces projets pour faire évoluer les politiques publiques en collaboration avec d’autres associations (Secours populaire, Banque alimentaire, etc.). Les lieux de distribution sont aussi des lieux de vie et d’échanges. On propose des animations autour de l’alimentation. Les habitant.es sont également dans la gouvernance de l’association : on monte les projets avec eux/elles, on ne fait pas les choses pour eux/elles ni à leur place. Aujourd’hui, on compte 17 groupements d’achat sur la Métropole de Lyon, et on a créé VRAC à Strasbourg, Paris, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Rennes, Saint-Etienne, Marseille, Montpellier, et prochainement à Lille et sa région ainsi que Bruxelles. L’association a bien grandi en peu de temps, il y a un an nous étions 14 salariés, et cette année nous sommes 34 ! On compte aussi plus de 500 bénévoles.

Comment votre idée est-elle née ?

En 2004, j’ai monté le bar coopératif « De l’autre côté du pont » à la Guillotière avec deux copains. L’objectif du bar était de démocratiser les bons produits, bio et locaux. À l’époque nous étions précurseurs. En 2014, l’association VRAC est venue d’une réflexion menée avec Cédric Van Styvendael, l’actuel maire de Villeurbanne, qui était à l’époque le directeur du bailleur social « Est Métropole Habitat » et qui voulait développer le pouvoir d’achat de ses locataires ; et avec Marc Hury, qui était responsable Rhône-Alpes de la fondation Abbé Pierre et qui voulait lutter contre l’isolement et l’exclusion ; et moi avec ma casquette alimentation.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Très honnêtement, je n’ai pas l’impression d’avoir rencontré de grosses difficultés, car j’avais la chance d’avoir déjà des structures fortes qui nous soutenaient avec la fondation Abbé Pierre et les bailleurs sociaux. L’accueil dans les quartiers était plutôt bon, tout comme celui des producteur/trices et des élu.es. L’association s’est développée assez vite. C’est d’ailleurs la principale difficulté : on a dû apprendre à maitriser une croissance qui ne s’est jamais arrêtée. Au bout d’un an, on avait déjà 6 groupements d’achat sur la métropole de Lyon, l’année d’après on développait VRAC Strasbourg, etc. Au début, la « solitude de l’entrepreneur.e » était aussi une difficulté, on est seul avec ses réflexions et sa « charge mentale », mais personnellement j’avais besoin de ça après 10 ans en autogestion avec 9 associé.es. Mais dès que j’ai pu embaucher, je l’ai fait.

Qu’est-ce qu’il y a de Lyon 2 dans votre cœur d’entrepreneur ?

J’ai fait partie de la 1re promotion du Master en Économie Sociale et Solidaire à Lyon 2. Ça m’a permis de prendre du recul par rapport à mon activité, de rencontrer de nombreuses personnes. Les enseignant.es ont su s’adapter à nos différentes compétences. À l’époque je me suis beaucoup nourri des interventions de différent.es entrepreneur.es venu.es nous rencontrer. C’est pour ça que je suis heureux à mon tour d’intervenir auprès des étudiant.es.

Quels sont vos futurs projets ?

On souhaite développer VRAC Universités, créé il y a 2 ans à destination des étudiant.es. Très sensibilisé.es aux enjeux environnementaux, ils/elles sont souvent contraint.es dans leurs choix alimentaires pour des raisons économiques. Les distributions ont été très précieuses pendant la crise sanitaire, d’autant plus que la précarité génère aussi de la solitude. Ils/elles venaient aussi pour échanger et rencontrer d’autres étudiant.es. On est aussi en train de créer une Maison de l’alimentation dans le 8e arrondissement de Lyon. C’est la première fois qu’on aura un lieu physique fixe. Il y aura une partie restaurant solidaire en collaboration avec l’association « Récup et gamelles », une cuisine de quartier et un groupement d’achat VRAC. Récemment, j’ai également participé à l’écriture du livre « Ensemble pour mieux se nourrir » chez Actes Sud, avec Alexis Jenni et Frédéric Denhez. Enfin, on a monté un collectif avec le Secours Catholique, les Jardins de Cocagne, la fédération d’épicerie sociale UGESS et le réseau CIVAM. Nous nous mobilisons pour permettre l’accès digne à une alimentation de qualité à toutes et tous. Nous portons aussi des projets, dont « Territoires à vivre » qui favorise la coopération entre les différents acteurs alimentaires des territoires. En fait je m’ennuie vite. Quand on démarre son projet on est sur le terrain, mais quand il grandit on passe beaucoup de temps à le présenter, à en parler aux élu.es, aux financeurs, aux médias. J’ai besoin de projets annexes pour me nourrir, découvrir d’autres idées et rencontrer d’autres personnes.

Quelle est votre définition de l'entrepreneuriat ?

Je n’ai vraiment pas de définition pour ça, je n’intellectualise pas cette notion. Quand j’ai fondé l’association, on me disait que j’étais responsable associatif. Aujourd’hui, on me dit que je suis entrepreneur. Le vocabulaire lié à l’entrepreneuriat social a évolué mais l’idée reste très simple : c’est faire des choses avec des gens. On rentre dans une dynamique pour répondre à des besoins qui ne sont pas satisfaits, qu’ils soient économiques ou sociaux. Il faut insister sur le fait que l’entrepreneuriat peut être social, sans « modèle économique » prédéfini. L’entrepreneuriat social et solidaire compte énormément d’associations, on a tendance à l’oublier. Pour les publics engagés et militants, l’entrepreneuriat ne doit pas être un mot forcément associé aux start-up, ni même à l’innovation sociale. On n’a rien inventé, les groupements d’achat existaient déjà au 17e siècle, mais on a adapté une invention d’hier à la société d’aujourd’hui. Entreprendre, c’est prendre des risques, mais ils sont mesurés. Moi je considère que je suis perpétuellement en CDD : depuis que je me dis ça, je le vis mieux, je n’ai pas le stress que ça s’arrête demain. Le principal risque, c’est d’avoir des regrets. Il faut aussi se connaitre un petit peu, savoir si on est attiré ou pas par un poste dans un cadre salarié classique. Mais si vous avez envie de faire quelque chose, allez-y, essayez ! Au pire, ça ne marche pas, ce n’est pas grave ! C’est comme une recette : on ne rate pas un plat, on invente une nouvelle recette. Il ne faut pas avoir peur de se lancer, surtout qu’aujourd’hui il y a de nombreux outils, des personnes, des compétences pour vous accompagner. C’est rassurant, ça évite de se prendre des murs - même si parfois c’est important de les prendre ces murs !