Publié le 22 avril 2021 Mis à jour le 2 décembre 2021
le 3 février 2021
Les enfants aveugles ne se représentent pas le monde comme les voyant.es. Une équipe de recherche de l’UNIGE et de l’Université Lumière Lyon 2 a mis au point des albums tactiles adaptés spécifiquement à leurs besoins.
Les livres de jeunesse jouent un rôle prépondérant dans le développement de l’enfant et son accès à la culture. Les livres aux illustrations tactiles sont particulièrement bénéfiques pour la compréhension de l’histoire. Encore faut-il que leurs illustrations soient comprises par le lecteur ou la lectrice. Qu’en est-il des enfants aveugles, dont la représentation du monde diffère de celle des voyant-es ? Ils et elles éprouvent des difficultés à identifier les objets représentés dans les illustrations tactiles classiques, produites avec des techniques tels que le dessin en relief, le thermoformage ou le gaufrage. Des chercheurs-euses de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université Lumière Lyon 2 (France), ont développé des mini-scénarios en 3D que l’enfant explore avec ses deux doigts et qui facilitent l’identification de l’objet. Ses résultats sont à lire dans la revue PLOS ONE.

Tout enfant, quel que soit son handicap, a droit à l’éducation et à l’accès à la culture sur la base de l’égalité avec les autres enfants. Pour cela, il ou elle a besoin de matériels éducatifs et de livres jeunesse adaptés à sa façon spécifique de percevoir et de comprendre le monde. «Les enfants aveugles n’ont pas les mêmes codes de représentation visuelle que les autres enfants, relève Edouard Gentaz, professeur à la section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE. Des traits entourant un cercle ne seront pas interprétés comme un soleil, de même qu’un rectangle avec des ronds peut être loin de sa représentation d’un bus.» Pour dépasser cette difficulté, les psychologues ont examiné d’autres possibilités d’illustrer les objets, plus adaptées aux enfants aveugles.
Des illustrations 3D qui simulent les actions

«Nous avons imaginé un nouveau type d’illustration qui explore la simulation des expériences du corps en interaction avec les objets, explique Dannyelle Valente, chercheuse au Laboratoire Développement, individu, processus, handicap et éducation (DIPHE) de l’Université Lumière Lyon 2 (France) et à l’UNIGE et première auteure de l’étude. Il s’agit de mini-scénarios en 3D que l’enfant explore avec ses deux doigts.» Le principe est simple : au fil des pages, l’enfant avance dans ces scénarios miniatures avec les deux doigts comme s’il s’agissait de ses jambes. «Ces gestuelles permettent de simuler des actions comme monter des escaliers, courir ou sauter sur un trampoline,» continue la chercheuse. Ces nouvelles illustrations ont été fabriquées par la maison d’édition associative «Les Doigts Qui Rêvent», partenaire du projet, avec le soutien du Fonds national suisse (FNS).
Des objets plus facilement identifiables grâce la simulation

L’équipe de l’UNIGE a testé la reconnaissance des illustrations engageant des stimulations d’actions par 8 enfants aveugles et 15 enfants voyant-es de 7 à 11 ans. Elle a ensuite comparé ces résultats avec ceux d’un autre groupe d’enfants aveugles et voyant-es du même âge, invité à reconnaître les mêmes objets mais représentés avec la technique
classique de la texture. «Les résultats démontrent que le procédé d’exploration gestuelle active les schémas sensori-moteurs associés à l’objet représenté et facilitent son identification par les enfants aveugles comme par les enfants voyant-es,» s’enthousiasme Edouard Gentaz. Ainsi, les objets sont plus facilement et rapidement reconnus dans les illustrations engageant les simulations qu’avec les illustrations texturées. De plus, la différence de perception entre enfants aveugles et voyant-es est beaucoup moins importante.
Un prototype d’album jeunesse conçu par les chercheurs-euses et destiné aux enfants avec une déficience visuelle, intitulé Balade des petits doigts, a été fabriqué par la maison d’édition «Les Doigts Qui Rêvent». «Les albums engageant les gestes et les simulations du corps ont un fort potentiel de partage, car les expériences sensorielles
mises en avant sont les mêmes pour les enfants voyant-es et les enfants aveugles,» conclut Dannyelle Valente. Ce sont des albums que parents et enfants peuvent lire ensemble, qu’ils ou elles soient voyant-es ou aveugles.
 

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