Publié le 18 janvier 2023 Mis à jour le 18 janvier 2023
le 18 janvier 2023
Hors les campus
Lundi 12 décembre 2022, Les Arcs film festival, reconnu dans le monde du cinéma, a mis en place son nouveau prix « Révélation de la compositrice de musique de film ». Sa première lauréate, Laetitia Pansanel-Garric, est enseignante-chercheure à l’Université Lumière Lyon 2. Pour l’Université, elle revient sur l’importance de la mise en avant des femmes dans les différents métiers du cinéma, en particulier celui de la composition des musiques de films.

Les Arcs film festival est reconnu dans le milieu, et les prix décernés ouvrent une multitude de portes. Le festival profite de cette notoriété pour mettre en lumière des talents qu’il estime mériter d’être reconnus, mais également faire avancer la société, à travers son « antenne lab ». C’est cette antenne qui est à l’origine du prix « Révélation de la compositrice de musique de film ».
Pour cette première édition, Laetitia Pansanel-Garric a été récompensée pour ce travail sur le long-métrage ukrainien « Le serment de Pamfir » de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, mais le prix est également une reconnaissance pour l’ensemble de sa carrière musicale, longue de 20 ans. Artiste complète, Laetitia Pansanel-Garric est en effet compositrice pour différents formats : courts-métrages, documentaires, séries. Outre ses fonctions d’enseignante-chercheure, elle est également musicienne, cheffe d’orchestre, enseignante et doctorante.
Le film « Le serment de Pamfir » a été présenté au festival de Cannes, et obtenu la reconnaissance des professionnel.les.

Qu’est-ce que ce titre représente et peut apporter au monde de la composition de films ?

« Les organisateurs/trices revendiquent une « double-intention » derrière cette nouvelle distinction : d'abord révéler et mettre en avant le talent d’une compositrice de musique de film auprès des médias, des professionnel.les et du public et participer ainsi à la création de “role models” au féminin. Et dans le même temps, appeler l’attention des professionnel.les sur le faible nombre de femmes compositrices de musique à l’image et sur l’urgence d’œuvrer pour davantage de parité dans ce secteur.
Une situation qui est due à la représentation des femmes dans le milieu du cinéma et la composition. Il faudrait songer à la déconstruction dès le plus jeune âge de la discrétion féminine ; on apprend aux jeunes filles à être discrète, à s’imposer par son travail ; or dans le milieu du cinéma, la carrière est également le résultat d’un relationnel que l’on peut établir avec les différents métiers du cinéma. »

Cette invisibilité des femmes dans le monde de la composition de musiques de films est-elle historique ? Et réversible ?

« Lorsque l’on pense composition de musique de film, les premiers noms qui viennent à l’esprit sont souvent masculins. Mais si des compositeurs aussi célèbres qu’Ennio Morricone ou John Williams ont pu s’imposer dans le milieu, c’est aussi car ils ont bénéficié d’une époque que l’on peut qualifier d’époque bénie, qui a agi comme alignement astral entre leur talent et une facilitation d’association avec un seul réalisateur qui a fait leur succès, à travers celui de leurs films.
Depuis, les associations de cet ordre sont plus rares, et restent très masculines. Dans le cinéma comme dans la musique, les femmes ont du mal à obtenir une reconnaissance, puis un souvenir et une postérité. Pourtant, elles existent et ont toujours existé ; mais leur travail a toujours été éclipsé, soit de leur temps par la société ou les médias, soit dans l’histoire par les historiens de l’art. Le processus n’est pas nouveau, puisque l’on peut évoquer la sœur de Mozart, compositrice prodige, mais qui contrairement à son frère a été contrainte par son père à stopper sa carrière pour privilégier entre autres son mariage. Jusqu’au 19e siècle, les femmes n’avaient pas le droit de composer et devaient souvent faire signer leurs œuvres par des hommes de leur entourage pour que les pièces puissent être éditées.
De nos jours, les compositrices de musique de film sont rares mais existent. Elles sont cependant moins relayées auprès du grand public. Ce prix peut leur apporter cette reconnaissance qui manque à leur profession. »

A titre plus personnel, que pourra vous apporter ce titre ?  

« A titre plus personnel, ce prix m’apporte la reconnaissance de mon travail sur « le serment de Pamfir », mais également sur l’ensemble de ma carrière. Il m’a également apporté un réseau, puisque l’importance de la remise de prix réside également dans le fait qu’il soit attribué devant toute la profession, l’industrie, le monde du cinéma.
En tant que compositeur/trice, on construit soi-même sa carrière, par son travail de composition mais aussi par la création d’un réseau, ou les choix de formats que l’on choisit de mettre en musique : documentaires, courts ou longs-métrages.

Justement, professionnelle depuis 5 ans, vous aviez jusque-là privilégié le format documentaire, avec quelques courts-métrages à votre actif. En quoi la mise en musique d’un long-métrage diffère des autres formats ?

« Dans la finalité, le format n’importe pas, mais en effet il change le process de travail. Ici, le réalisateur savait ce qu’il voulait, ce qui donne moins de libertés mais plus de direction pour une musique au service du film tel que le voit et l’entend le réalisateur. C’est un challenge, de se mettre au service du film et du réalisateur, de se faufiler dans le cadre de vision de ce dernier tout en gardant une notion de création. Le film est d’ailleurs très silencieux, avec très peu de musique, car c’était le souhait du réalisateur. En tout, il est composé de 19 minutes de bande originale, dont une grande partie se situe dans la scène finale et le générique de fin.
Il y a malgré tout quelque chose d’assez documentaire, car je me suis rapprochée de la culture ukrainienne du réalisateur, et ai privilégié les instruments folkloriques ukrainiens tels que la trembita qui est devenue l’emblème du pays, et la sopilka, une flûte traditionnelle. Les instruments traditionnels ont été enregistrés en Ukraine, par un musicien à qui j’ai laissé la liberté d’improviser. La musique du film a été enregistrée en France et pour pouvoir refaire les prises de son, je me suis occupée de l’enregistrement des autres instruments : trombone, trompette, violoncelle. »

Cette organisation rappelle que « Le serment de Pamfir » est un film ukrainien, en quoi cela vous rapproche de l’actualité du pays ?

« Au moment du tournage, la guerre n’avait pas lieu, en revanche, la post-production s’est déroulée au moment du conflit, ce qui a resserré les liens de l’équipe et créé une relation humaine et artistique très forte.  Le réalisateur, réserviste, repartait toutes les trois semaines en Ukraine. Nous nous empêchons un maximum de nous habituer à la situation. Par ailleurs, si le sujet premier du film n’est pas le conflit actuel, il présente la culture ukrainienne et, au sein de celle-ci, l’importance de la famille. C’est d’ailleurs ce qui a été retenu par la critique. »

https://www.rollingstone.fr/les-arcs-film-festival-une-nouvelle-recompense/
 

 

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